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Poésie
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Théâtre
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- Et ils nous ont mis : la fièvre !
Oh que oui qu’il nous a mis la fièvre le dernier film de Kirill Serebrennikov sorti en 2021, et aussi un drôle de mal de crâne à tenter de résoudre ce casse-tête non pas chinois mais bel et bien russe (à moins bien entendu que ce ne soit l’alcool) ! Tout est étrange du début à la fin dans ce film, néanmoins les morceaux se mettent peu à peu en place tant bien que mal et plus ou moins dans l’ordre (car tout est donné dans le désordre, en vrac comme dans un souk tchétchène), on oscille entre rêve et réalité avec d’incessants allers retours entre les deux si bien qu’on en perd le fil de l’histoire et aussi toute notion de réalité. On en sort pour ne pas dire totalement abasourdis. Le film est étrange, oscillant entre le cinéma d’auteur et le film punk/métal à petit budget. La bande son est tout aussi déjantée, et c’est tant mieux du reste, elle colle ainsi on ne peut mieux avec le sujet. La fièvre de Petrov nous raconte la virée alcoolisée et fiévreuse de ce dernier avec un ami de beuverie dans une ville russe lambda et triste en plein hiver durant plusieurs jours et plusieurs nuits. J’ai comme l’impression que le réalisateur a voulu fondre plusieurs genres en un seul, ce qui en fait un objet cinématographique aussi original qu’indéchiffrable, pour ne pas dire un OVNI ou plutôt un FBNI (film bizarre non identifié) ! Quand on sait que Serebrennikov s’est inspiré du roman homonyme d’Alexeï Salnikov on hésite à jeter coup un œil averti au livre afin d’y trouver des semblants d’explications pour mieux éclairer nos petites lanternes somme toute par trop européennes. Par exemple pourquoi on voit autant d’hommes et de femmes à poil dans le film sans a fortiori forcément de raison ? À vrai dire je n’ai jamais vu autant de gens à poil même dans les films de boule ou au Cap d’Agde ! Sans parler du défilé de pénis en représentation pour je ne sais quelle pub ou défilé de mode minimaliste. Je cherche encore une quelconque explication à tout ceci. On peut aussi se poser la question de cette femme serial killer... Au fond le film parle de quoi, de Petrov ou de cette dernière ou bien encore des deux ou bien même pire, de ni l’un ni l’autre ? Bref tout ceci est déroutant et quelque peu dérangeant et je ne serai pas surpris que les spectateurs occidentaux ont eu du mal à en saisir le sens. Car même avec un « petit bagage » de culture russe (cinéma, histoire, littérature, musique etc.), j’ai eu bien du mal à m’en dépatouiller… C’est aussi un peu le but de cette critique ici, en même temps nous n’étions que deux dans la salle de cinéma : seulement Szilard, mon ami hongrois et moi. Ceci explique sans doute cela. Passées les premières interrogations nous avons une fois rentrés chez nous, ou plutôt chez moi, autour d’une bonne vodka (Russie oblige !) et de quelques bières (en provenance du même pays), et histoire aussi de me faire pardonner un peu pour ce « grand moment de cinéma » ; tenté de refaire non pas le match mais le film. Mais hélas c’était peine perdue... La conclusion qu’on en a tirée, c’est qu’après plusieurs heures et plusieurs verres pourtant, nous n’y voyions pas plus clair pour autant et qu’il reste encore à ce jour de nombreuses zones d’ombres dans notre esprit. Zones d’ombres que nous ne nous efforcerons pas d’éclaircir cependant, préférant laisser cet épineux problème à d’autres, bien plus calés que nous sur la question (pour ne pas dire des spécialistes du cinéma strange slave)… Pour ne pas dire j’étais un peu déçu (bah si du coup je l’ai dit, mince ! Mais en même je pense que vous l’aurez compris) car j’avais adoré Leto, le précédent film décalé, graphique et rock’n roll de ce dernier, mais là, quelle déception ! À quoi bon ce film sinon à faire un film encore plus barré et paumé et à nous perdre bel et bien ? Bref un film à très vite oublier, et dont au final je n’aurai retenu que la soirée qui s’en est suivie avec mon pote hongrois, rentré depuis au pays et à qui je dédie cette petite critique cinématographique post-soviétique et « apocalyptique » : toutes mes excuses мой брат (moï brat = mon frère) ! Mea Maxima Culpa... XK (Limoges, le 11.01.22)
- Le mépris
“Le Mépris” Écrire une page "déclenchée" par la scène d'anthologie du Mépris de Jean-Luc Godard réunissant Brigitte Bardot et Michel Piccoli (adaptation du roman d'Alberto Moravia). Ne pas dépasser un feuillet A4. (consigne de Jean-Michel Devésa) La scène culte de Brigitte Bardot dans « Le Mépris » (avec Michel Piccoli en 1963) Tu aimes te trouver là, devant moi, nue et le visage invisible, nue alors que je ne le suis pas ? Fais-moi part de tes insécurités afin que je puisse te rassurer. Je te dédie cette scène d’amour. Tu n’as rien à me dire sur le tien, je t’aime et te prends sans en avoir besoin. Moi, je t’aime tout entière, de tes courbes à tes reliefs, tellement belle avec ta peau de bébé et ta coiffure de poupée. Je te capture et t’expose en souvenir de ce temps où tu es encore fleur du printemps. Écoute le vieux poète et n’attends pas de te faner, profite du moment, maintenant. Comme tu dois être heureuse quand tu me vois rentrer de ma longue journée de travail alors que tu peux rester ici à te prélasser, à goûter les plats que tu me prépares ou à papoter avec tes amies autour d’une tasse de thé. C’est ton privilège. Le mien est de subvenir à nos besoins. Et même quand je reviens à la maison, je t’écoute bavarder pendant que je lis les nouvelles du journal et que tu me sers un verre d’alcool fort. Tu vois ? Nous prenons soin l’un de l’autre comme tu prendras soin du fils que nous aurons, je n’en doute pas un instant. Ton corps t’impose cette responsabilité mais t’en épargne bien d’autres. Te rends-tu compte de tout ce dont tu n’as pas à te soucier ? De la politique et des finances, du travail de force et des hautes responsabilités, je t’épargne toutes ces peines. Fais-toi belle, ma douce, c’est tout ce que je te demande, et belle tu l’es déjà et tu le sais. Ne comprends-tu donc pas ta chance ? Personne ne m’a jamais admiré dans la rue, personne ne m’a sifflé ni suivi sur des mètres et des mètres de bitume pour me signifier son attraction. Toi, tu le sais que tu es regardée, que tu provoques mes pulsions avec ta jupe et tes volants qui se soulèvent au moindre coup de vent. Cette jupe, tu l’as mise exprès pour moi, n’est-ce pas ? Pour que je te remarque ? Alors pourquoi m’ignores-tu ? J’ai percé à jour ton petit jeu qui n’est que fausse modestie. Tu ne m’ignores pas, tu cherches mon attention. La voici. Alors, ma folle, aimes-tu, oui, aimes-tu être femme ? Car moi, oui moi, je t’aime totalement, j’aime que tu sois mienne.
- Ma Douce, à la douche ! Froide…
L’ardeur toute relative de la pêche à la mouche La dextérité de ta langue bien pendue et de ta bouche Les étincelles fugaces qui se créent lorsque l’on se touche Dans les froissements de la soie au sein de notre couche Quand tu retires aussi silencieusement que délicatement ta houche Le ravissement du soir quand la Lune ravie à la fenêtre louche Le feu à la hanche, l’impétuosité au réveil avant la douche Ambiance feutrée, preuse héroïne ton indifférence est à la souche De mon grand défaillement, et causera ma perte. _ « Wouche ! » Autour de la masure, dans les recoins les plus secrets des ouches Ta nudité et ta beauté sont tributaires du fermoir de ta nouche Et mon amour pour toi jeté par kilos entiers dans un pouche Enfoui dans les eaux sombres bien profondément, par-delà les rouches… XK (16-03-18)
- Cette nuit-là (2/4)
OH. HELL. NO. L’objet que je viens de reconnaître ramène ma violente et dévastatrice tornade à la vie. Je fais volte-face, sors de la chambre et me précipite dans les escaliers de la maison. Je me sens coupable de réveiller les autres, mais là mon cœur ne peut pas supporter que quelqu’un pour qui il bat s’inflige ça. Carrément pas. Malgré l’état bouillonnant dans lequel je me trouve, je fais attention à ne pas claquer la porte d’entrée. À pas de loup, je rejoins immédiatement le jardin à l’arrière et, par chance, j’arrive juste à temps. Je lui arrache le paquet des mains et, de toutes mes forces, je le balance dans l’eau. Sous ses yeux ébahis, je jubile presque. Alors là, aucune pitié ni pensée pour ses petits sous avec lesquels il se l’est clandestinement acheté ! Propulsé par la vitesse, le paquet atterrit dans l’eau et vient buter contre l’un des bords de la piscine. Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? Je n’ai jamais été bonne pour les entrées en douceur... et je ne les ai jamais appréciées non plus. Pourquoi s’encombrer de mots quand on peut aller droit au but ? – Putain, Nevaeh ! Mes clopes ! – Je veux plus te voir avec ça dans les mains. T’étais censé avoir arrêté ! À la façon dont il me trucide du regard et tourne délibérément la tête à l’opposé de moi, je sais que je l’ai à nouveau énervé. Et il ne dit rien, il sait que j’ai raison. Il finit par se lever pour aller récupérer son pauvre paquet de cigarettes détrempé. À son tour, il le balance à mes pieds quand il revient vers moi. Mais, au lieu de se rasseoir au bord de l’eau comme je le croyais, il reste planté devant moi. Ses yeux noisette me fixent, comme s’il attendait quelque chose de ma part. Après quelques secondes de silence, il finit par soupirer. – Tu es un sacré personnage, Nev. J’ai envie de rire à sa remarque mais je me retiens très fort. Ce ne serait pas crédible du tout... – Au moins, mon message était clair. Tu l’as parfaitement compris, n’est-ce pas ? insisté-je. Zak lève les yeux au ciel et se rassoit par terre en guise de réponse. Il plonge ses pieds dans l’eau lorsqu’un voile de tristesse recouvre entièrement son visage. Un voile contagieux, qui me pousse à baisser les armes et m’asseoir à côté de lui, doucement. Je dois faire quelque chose ; on ne peut pas continuer à se disputer et à laisser les choses ou les autres nous briser... On est plus forts que ça, quand même ? – J’ai flippé en me réveillant, déclaré-je soudainement. Du coin de l’œil, je vois Zak se tourner vers moi, interdit. Il tente de cacher ses émotions mais, comme d’habitude, ses yeux trahissent son inquiétude. Je pose à mon tour les yeux sur lui et, à la lumière du lampadaire, je jurerais presque qu’il rougit. – Mes sentiments me lient à toi, réveillée ou pas. Et peu importe où tu es ou ce que tu fais, je ressens toujours ta détresse... Toujours. – Comment tu... – Chut, le coupé-je avec l’index sur la bouche. Écoute-moi d’abord. T’as pas encore compris qu’on était une équipe, depuis le temps ? Toi et moi, on ne s’est jamais lâchés, malgré tout ce qu’on a vécu ! « Je te couvre, tu me couvres », c’est ça le deal ! Depuis le début... Il essaie de me prendre dans ses bras mais je ne veux pas de son attention. – Tire-toi ! Je le repousse en y mettant plus de force que prévu, mais mon objectif ne change pas. – C’est trop facile de me faire taire avec une étreinte... Je veux que tu parles, que tu m’expliques clairement ce qui se passe dans ta tête et dans ton putain de cœur !
- Fantasmes littéraires
Lire en levant la tête : voilà quelque chose que la plupart des gens ne comprenaient pas, au premier abord. Mais en y réfléchissant, c’était un fait qui était possible à réaliser. À cette pensée, Sonia se surprit à sourire d’amusement. Allongée dans l’herbe, un livre dans les mains, elle parcourait lentement les pages du roman qu’elle venait d’emprunter à la bibliothèque. Elle s’immergeait progressivement dans le monde fantastique que les mots créent au fur et à mesure du récit, laissant une porte ouverte à l’évasion de l’esprit. Et puis des fois, quand le passage était vraiment intéressant et laissait planer une certaine atmosphère de suspense, l’imaginaire de la jeune fille s’emballait : et maintenant, qu’allait-il se passer ? Levant les yeux de son livre, regardant fixement droit vers le ciel, c’était toujours le moment que choisissaient les rêveries de Sonia pour venir se manifester. Peut-être un nouveau personnage était sur le point d’entrer en scène ? Ou alors, sans doute qu’un drame - ou une action forte en émotion - allait bientôt s’accomplir ? C’était bien le genre de questions que venait créer l’imagination rêveuse de Sonia, la tête toujours levée vers les nuages dans ces moments-là. Quelquefois, si un personnage plaisait en particulier à la jeune fille, elle interrompait sa lecture littéraire pour se plonger dans une autre lecture : celle de l’imaginaire fantasmé. Elle s’efforçait alors de le voir à travers l’invisible, de se représenter son corps et son visage, de percer ses qualités et ses défauts, en bref à sa personnalité. Et si jamais le personnage était un homme, c’était encore mieux : Sonia adorait pouvoir se sentir proche d’un idéal masculin, à laisser son cœur palpiter d’un amour purement utopique. Évidemment, pour que les choses puissent fonctionner, il fallait que le livre soit intéressant. Parce que s’il ne l’était pas, si les personnages étaient fades, sans saveur, ou si l’attente d’une action en cours était mal gérée, Sonia n’avait aucun scrupule à refermer le roman et à le laisser de côté. Tel était le sort réservé aux ouvrages incapable de lui faire voyager l’âme comme elle aimait tant le faire. Mais le plus souvent, la jeune fille n’avait pas besoin de livres si elle voulait lire en levant la tête : que ce soit durant ses promenades au parc, ses cours à l’école ou tout simplement à la maison, sa rêverie faisait revenir à elle des extraits de roman qui l’avait marqué, représentant le plus souvent ses passages préférés. C’était comme si les lettres venaient s’assembler en grande pompe dans sa tête, formant des mots puis des phrases complètes. Le plus souvent, les extraits étaient des descriptions du récit ou d’un personnage ; mais parfois, ça pouvait être aussi un dialogue bien rodé ou même un monologue teinté d’émotions brûlantes. Si elle pouvait, Sonia serait capable de les réciter à voix haute, sans faute et avec toute la force sentimentale requise. Cependant, les capacités surprenantes de la jeune fille dans ce genre de domaine n’étaient pas forcément bien vues par tous : on lui reprochait notamment d’être trop dans les nuages et de ne jamais écouter les autres. Ce n’était pas forcément faux, mais tout de même… Oui, Sonia rêvait mais pas à n’importe quoi : à de la littérature ! On se plaignait tellement que de moins en moins de jeunes s'intéressaient à la lecture… Alors, pourquoi lui reprocher d’avoir le nez plongé dans ses livres ? En fin de compte, peu importe les reproches des uns et des autres : Sonia continuerait à lire ainsi, les yeux levés vers le ciel… et à foisonner par ses histoires préférées, son univers personnel. Un monde dont elle était souveraine.
- Un beau cadeau d’anniv comme on les aime !
Quoi de mieux pour fêter son anniversaire et ses quarante rouleaux de printemps (mais aussi d’hivers) que d’aller au cinéma se visionner un bon petit film russe de derrière les fagots ? Surtout quand la séance est gratuite, cela n’en est que plus savoureux, d’autant plus si l’on est en charmante compagnie ! On en oublie soudain sa fièvre (car j’étais en vérité malade comme un chien depuis plusieurs jours), ses angoisses existentielles et sa peur de vieillir. En même temps je suis coutumier du fait, je dois avoir une bonne étoile qui veille là-haut sur moi sinon comment expliquer qu’en allant faire mes courses au Super U du coin, je regarde le panneau d’affichages et trouve par pur hasard et de façon totalement fortuite (si, si je vous jure, rien de prémédité là-dedans !), un encart annonçant une séance gratuite au cinéma Grand écran le Lido de Limoges le samedi suivant. Soit le 20 du mois de novembre, et comme par hasard pile poil le jour de mon anniv’ ! Une chance sur combien ? Une chance sur mille au moins ! C’est pas avoir le cul bordé de nouilles ça ? Surtout quand on sait ma prédilection pour le cinéma russe et tout ce qui touche de près ou de loin à ce vaste pays fortement mélancolique (pour ne pas dire alcoolique, mais ne généralisons pas) et enneigé. En plus de ça, moi qui rentre d’habitude chaque vendredi dans mon pays de bord de Loire, j’avais précisément prévu de rester sur Limoges ce week-end-là, donc parfait, tout se goupillait au poil ! Comme on dit : y avait plus qu’à ! Bon, bien évidemment ce genre de chance-là, ça ne s’applique qu’à moi, pour celles qui m’accompagnent en général c’est plutôt jouer de malchance ou encore une véritable corvée que de se taper des films russes pas tip top pour un sous (mais disons plutôt pour un rouble, ça s’y prêtera mieux) en version sous-titrée français (VOST). Néanmoins pour ma part j’y trouve égoïstement mon plaisir ! Cela me permet d’améliorer mon russe et de reconnaître et identifier quelques mots et expressions du cru. Je remercie donc avec grand plaisir l’association Droujba de Limoges à l’origine de ce très bel événement, et de cette expérience que je ne manquerai pas de renouveler l’an prochain. Sur Nantes aussi, ce genre de manifestation culturelle russophile se produit chaque année avec le festival Univerciné du cinéma russe au Katorza, en général aux alentours de la St Val, là encore une véritable joie pour celles qui m’accompagnent ! Oh quel sadique je fais, mais en même temps quand on aime on ne compte pas… Pour le meilleur et pour le pire comme on dit ! 😊 Trêve de digression et revenons à nos blancs moutons. Le film en question est donc en langue russe sous-titré français, il s’agit d’Il était une fois dans l’Est de Larissa Sadilova, c’est un peu le pendant version amour slave d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, mais sans les coups de flingues qui vont avec, et sauf qu’ici les Lada et les camions ont remplacé les chevaux, même s’il en reste quand même plusieurs sous le capot. Ça tombe bien, puisque le personnage principal est routier. Marié à une femme aimante et dévouée, un fils en pleine crise d’adolescence. Il part quasi tous les jours sur les routes et on comprend très vite que ce n’est pas seulement le travail sa véritable motivation. Il nourrit plutôt une relation adultère en cachette avec sa voisine, elle aussi mariée et mère de famille. Ce qui rajoute bien évidemment du piment dans leur vie. Ils se rejoignent à la sortie du village dans un virage, l’homme s’arrête et la prend (si je puis me permettre l’expression) dans son camion, et n’y voyez ici aucune allusion ! Il continue sa route et sa tournée de livraison, elle l’accompagne tout sourire côté passager et semble vivre une belle histoire d’amour. Après tout, l’herbe est toujours plus verte chez les autres, c’est tentant… Ce petit manège dure depuis quelque temps déjà, mais comme on devait s’y attendre, ils vont finir par se faire griller par leurs conjoints respectifs, et toute la belle idylle commencera à aller de travers. Pour aboutir à un fiasco retentissant : patatrac ! Il est vrai qu’avoir une relation extra-conjugale est très mal perçu en Russie, surtout en campagne dans une société un poil conservatrice et patriarcale. C’est l’idée russe qu’on se fait de la famille qui est mise ici à mal. La morale de l’histoire et les bonnes mœurs resteront néanmoins saines et sauves. La femme russe fautive est ici montrée du doigt (alors que l’homme semble moins blâmé par le regard des autres et par la société), elle fait clairement office de mauvaise mère, de mauvaise épouse, voire même de mauvaise belle-fille, elle quitte son foyer, son enfant (une fille) mais en guise d’épanouissement et de bonheur c’est la lassitude qu’elle finira par trouver et son amour si florissant et insouciant du début tombera dans une réelle impasse… Bref elle s’en mordra les doigts. Mais comment faire maintenant ? Quand le foyer est quitté et que tout le village est au courant… Faut-il réellement ravaler sa fierté ? Revenir et faire profil bas ? Et surtout, la personne quittée peut-elle vraiment nous pardonner et faire comme si de rien n’était et comme s’il ne s’était jamais rien passé ? C’est ce que vous saurez en regardant ce film en apparence léger mais qui traite en réalité d’un sujet bien plus profond qu’il n’y paraît et fortement actuel : la place de la femme russe au sein du couple et d’un foyer où tout sentiment et toute chaleur sont bel et bien absents. La vie y est dure, les hivers sont froids, figés dans le temps. Le mari très souvent absent, les joies ainsi que les distractions du quotidien peu nombreuses. Comment faire alors pour réchauffer son cœur ? XK (Limoges, le 13.01.22)
- Douche froide
Une ville de bord de mer dans le sud de la France à la saison estivale, mise en exergue par une chaleur étouffante et un soleil de plomb. Aucun nuage dans un ciel étrange d’un bleu jaune enflammé. Une forêt de pinèdes qui ne demande qu’à prendre feu. Une route étroite serpentant sur les pans escarpés d’une montagne. Nulle voiture à l’horizon, ni aucun cyclotouriste assez fou pour risquer l’insolation. Des pins de bonne taille faisant tant bien que mal de l’ombre au bitume brûlant de la route. Plus près encore, un hameau de petites maisons de vacances toutes plus charmantes les unes que les autres. Il est midi, tout le monde est parti manger ou bien se terre chez soi, volets fermés dans la fraîcheur accueillante de leur maison. En définitive, c’est l’heure du déjeuner ou bien celle de la sieste et du farniente. Même les cigales sont parties manger, on les entend distinctement chanter à table la bouche pleine dans un vacarme ahurissant, à nous en saturer les tympans. Au numéro 13 de la rue Bel Air, une allée bordée de palmiers. Des gravillons crissant sous les roues d’une voiture s’y engageant à faible allure et sous les pas d’un homme qui en descend et qui prend grand soin de ne pas faire claquer sa portière en la refermant. Une façade d’une maison blanche aux volets bleus, avec des faux airs de maison grecque ou marocaine, mais à coup sûr méditerranéenne. Zoom avant. Une fenêtre ou plutôt une petite lucarne entrouverte. Une voix de femme chantant. Elle a l’air heureuse et enjouée. Deux yeux somme toute indiscrets en empruntant la pelouse nettement moins bruyante que les graviers et en contournant les rosiers rouges. Elle était là à prendre une douche revigorante, les cheveux mouillés et l’eau qui dégoulinait suavement sur son corps nu et blanc, comme une caresse de haut en bas jusqu’au siphon. Sa peau laiteuse comme de l’onguent, ou comme si elle avait passé de la crème solaire sur son bronzage invisible. De toute façon cet été elle ne bronzerait évidemment pas, ce n’était pas encore pour cette fois-ci. Tout au plus elle rougirait comme une écrevisse trop tôt plongée dans le court bouillon ou bien dans le grand bain. Crabe ou homard que l’on dégusterait avec de la mayonnaise et du pain avec du beurre dans les restaurants huppés du bord de mer. Le regard vide et perdu devant l’horizon infini de l’océan. Ou bien encore des coups de soleil mais sans les coups d’amour et de je t’aime qui vont avec, il ne faisait désormais plus aucun doute que Richard Cocciante avait menti. Le disque de ce dernier qu’elle écoutait tournait en boucle et faisait office de méthode Coué. Sauf que cela ne marchait pas vraiment... Elle pencha sa tête en arrière et se remit du shampoing dans les cheveux. De la marque Ushuaïa, cela la détendit et la consola un peu. Il fallait se faire une raison. Jamais elle ne serait la pétillante petite brune incendiaire qu’elle avait toujours rêvé d’être, la peau brunie par le soleil, les cheveux raides et les yeux noirs comme des ailes de corbeaux. Elle ne serait ni Penélope Cruz, ni Eva Longoria, tout au plus serait-elle Cameron Diaz et c’était déjà pas si mal... Sauf qu’elle en avait marre de jouer à la bimbo blonde platine avec le QI d’une huître, elle en avait marre de tous ses gens qui la dévisageaient dans la rue et qui semblaient lui mettre une étiquette dessus. Pour le coup elle maudit ses parents et ses impeccables cheveux blonds, pourquoi diable Dieu l’avait-elle faite si blonde et désirable avec son joli minois et ses yeux bleus comme la profondeur de l’océan dans lequel elle aimait pourtant souvent se baigner. S’y sentant comme dans son élément puisque ses parents semble-t-il l’avaient faite sirène. Mais là encore ni rousse ni brune, ni Ariel ou bien Méduse, mais bel et bien blonde comme les blés. Autrement dit rattachée à la terre. Les garçons forcément depuis très tôt lui tournaient autour, sans doute même un peu trop tôt, et à force elle était devenue lasse de refuser leurs avances. Si bien que désormais elle n’avait plus la force de dire non… Elle leur disait ainsi oui avec ses yeux résignés même si son cœur dégoûté disait non. Soudain elle eut comme l’impression que quelqu’un l’observait de loin. À la dérobée. Un vieux pervers en manque sans doute qui se rinçait l’œil. C’est vrai qu’elle n’était pas dégueu à regarder, mais de là à se laisser mater par tout le monde et surtout par le premier venu il y avait une sacrée différence. Par instinct, elle éteignit l’eau, et tendit l’oreille. Elle entendit les propres battements de son cœur qui tapait à tout rompre, le sang affluait dangereusement à ses tempes, l’empêchant de penser et la livrant progressivement à la panique. Ne pas paniquer justement, garder la tête froide et toutes ses idées. Elle essaya alors de reprendre le contrôle de son corps, en le saisissant par la bride comme on arrête un cheval lancé à plein galop. Elle entendit alors son souffle chaud. Elle haletait littéralement, là encore elle fit un effort sur elle-même pour l’espacer de plus en plus et le faire moins sonore. Ses cours de yoga et de reiki finissaient par payer finalement, cela avait du bon, cela lui permettait de réguler ses émotions. Sauf que, sauf que l’angoisse reprenait le-dessus. Elle entendit le bruit sourd d’un pas. Et un souffle qui n’était pas le sien. Comme un râle, et un peu plus rauque que sa respiration fragile de jeune femme asthmatique. « Y a quelqu’un ? » qu’elle lança alors comme pour mieux chasser les intrus ou bien encore les rôdeurs hors de sa maison. Nulle réponse cependant, juste l’écho de sa propre voix qui lui revenait entre les murs dissonants, humides et froids de sa salle de bain. Quelqu’un ! Un ! Un… Il est vrai que la maison de vacances qu’elle avait louée sur internet était relativement vide, et meublée à la mode zen. Si bien que les voix résonnaient et se répercutaient sur un mur ou bien sur un autre comme si chacun d’eux se renvoyait la balle jaune de l’inquiétude lors d’une partie de tennis. Elle se tut alors. Tendant l’oreille à qui mieux-mieux. Elle entendit alors le ploc-ploc d’un robinet qui faisait du goutte à goutte, sans doute celui de la cuisine qu’elle avait dû mal fermer. Un bruit de verre cassé la saisit alors d’un terrible frisson et lui coupa littéralement le souffle. Comme un vase que l’on fait tomber au sol et qui se brise en mille morceaux. Il ne faisait aucun doute qu’il y avait quelqu’un chez elle. Le rideau de sa douche était tiré. Elle n’osait l’ouvrir de peur que ne surgisse de derrière un ogre affamé qui se jetterait sur elle pour mieux la dévorer. Elle regrettait alors de ne pas être dans le creux des vagues et dans son élément maritime, fluide de sel et d’eau perdue parmi des fluides aux compositions semblables. Au moins là, elle aurait toutes ses chances. Ici elle était livrée à elle-même et comme dans une impasse, comme si, petite souris, un méchant chat sadique l’avait acculée dans une souricière et s’apprêtait à lui donner le coup de griffe fatal après avoir pris plaisir à jouer avec elle ainsi qu’avec ses nerfs. Tout s’affola autour d’elle, elle perdit alors totalement les pédales. Elle semblait percevoir derrière le rideau de douche les contours obscurs et inquiétants d’une ombre de grande taille. Un violeur de passage ou bien sans doute un serial killer ! Son sang ne fit qu’un tour ! Ses idées s’embrouillaient bel et bien et étaient reparties au galop à crue sur le cheval sauvage et fougueux qu’elle avait pourtant réussi à retenir auparavant, sauf que la bride et la longe lui avaient glissé des mains. Ses mains tremblantes ne trouvaient devant elles plus que les crins invisibles de l’angoisse en se tendant avec peur et lenteur vers le rideau. Un coup sourd maintenant comme si on tapait sur un carreau avec quelque chose de dur. Sans doute la lame affûtée et froide d’un long couteau. Elle en avait vu plusieurs dans les films de Hitchcock. Ça lui avait d’ailleurs glacé le sang et elle n’avait pu s’empêcher de fermer les yeux. Sauf que son petit copain de l’époque l’avait prise dans ses bras et ça l’avait rassurée. Elle se sentait protégée. Mais maintenant qu’elle était seule, sans défense et totalement nue dans sa salle de bain, elle regrettait amèrement d’avoir rompu avec tous les autres. Il était clair désormais que personne ne viendrait la sauver, ni aucun chevalier servant ni aucun bras musclé ! Au contraire, un bras velu comme une araignée allait s’apprêter à la dépecer. Dans le salon, elle entendit la voix de Cocciante avoir des haut-le-cœur lui-même sous l’effet de la tension. Ou bien sans doute le disque était-il rayé. Mais la musique tournait en boucle sur deux notes et dans une tonalité horriblement aiguë, à la limite de l’audible. N’en pouvant plus et fermant les yeux, terrifiée, elle ouvrit le rideau d’un coup sec. Elle les rouvrit et vit avec soulagement un corbeau tapoter avec son bec sur la vitre sur le rebord de la fenêtre de la salle de bain qu’elle avait laissée entrouverte. Elle était sauvée ! THE END… > Inspiré par Alfred Hitchcock et plus particulièrement par Psychose et les Oiseaux...
- Pied dansant et œil du tigre
Il faisait froid dans la salle de danse : Tania venait tout juste d’arriver et d’allumer les radiateurs pour réchauffer la pièce. Mais au fond, elle savait bien que ce serait son échauffement qui lui permettrait de ne pas exécuter sa chorégraphie “à froid”. Exercices à la barre puis au centre de la salle ; une heure plus tard, Tania s’estima prête à commencer le véritable entraînement : sa chorégraphie. Une chorégraphie répétée maintes fois depuis plusieurs mois. pour le prochain concours de danse de la ville. Une danse exécutée un nombre incalculable de fois, si bien que la jeune fille la connaissait à présent par cœur et pouvait l’interpréter sur n’importe quelle musique. Ses écouteurs sans fil aux oreilles, Tania fouilla le répertoire de chansons sur son iPod, cherchant une mélodie agréable à écouter. Soudain, un flash : Survivor… et leur premier succès, Eye of the tiger ! La danseuse sourit ; après tout, pourquoi pas ? Sur l’un des côtés de la salle, Tania attendit les premiers riffs de guitare avant de s’élancer sur le parquet et d’enchainer les premiers mouvements. Cabrioles, déboulés, arabesques : tout dans sa danse exprimait une force convaincante, le tout mêlé d’une grâce touchante. Entre-temps, Tania laissa son esprit se porter sur la fameuse série cinématographique qui était indiscutablement reliée à la chanson : Rocky. Aussi le nom d’un héros auquel la jeune danseuse s’identifiait totalement et ce, en dépit de leurs différences… Certes, on pourrait croire que le monde de la danse et de la boxe ne partageaient aucun point commun : pour Tania, rien de plus faux. Comme Rocky, elle devait sans cesse s’entraîner dur et lutter pour conserver la valeur de ses titres et surtout son honneur de danseuse ; et comme lui, son corps représentait son outil de travail qu’elle n’hésitait pourtant pas à malmener, dans le but de se surpasser. Oui décidément, Rocky Balboa représentait un exemple véritable pour Tania : un courage inébranlable et une volonté de fer qui faisait qu’il n’abandonnait jamais ses combats, à moins d’être mis KO. Des qualités également essentielles dans le monde de la danse ; sans courage ni volonté, il était difficile de survivre dans cet univers impitoyable et souvent douloureux. En boxe comme en danse, il fallait à la fois donner et recevoir. Savoir donner tout ce que l’on avait en soi, mais aussi recevoir les coups ou les critiques et pourtant continuer à tracer son chemin. Prendre, prendre encore, prendre toujours, mais continuer à avancer malgré tout. Le plus important dans tout cela, selon Tania, c’était d’avoir l’oeil du tigre : la volonté de survivre et l’envie de se battre. Sans ça, c’était l’échec assuré. Car pour maintenir ses rêves réels, il fallait mener une lutte constante avec soi-même et contre ses adversaires. - It’s the eye of the tiger, it’s the thrill of the fight ! chanta une Tania à peine essoufflée, les paroles reflétant bien son état d’esprit actuel. Oui… Oui, c’était bien l’œil du tigre et le frisson du combat qui l’animait ! D’aucuns prétendaient qu’elle pouvait même parfois se montrer belliqueuse… Sans doute l’univers de la boxe avait dû finir par déteindre un peu sur elle. Mais qu’importe : pas de question de changer qui elle était si cela l’aidait à toujours donner le meilleur de soi-même… Car elle était une danseuse avec l’œil du tigre et une combattante au pied dansant.
- Et si King avait raison ?
Je me suis lancé il y a peu dans la lecture, ou plutôt la relecture, mais en format BD cette fois-ci, du Fléau de Stephen King. J’avais lu le roman durant mes « jeunes » années lorsque j’étais encore au lycée et que je dévorais avidement tous les livres de Stephen King comme Pac-Man avale des gélules de LSD (mais chut cela n’est pas politiquement correct…). Aussi bien je m’étais littéralement transformé en petit rat de bibliothèque, et il faut bien avouer que j’aimais ça. Tout du moins ça me coupait du monde extérieur et d’avoir à faire copain-copain avec mes petits camarades de classe. J’aimais par trop la solitude pour avoir à me contraindre à toutes sortes de compromis, ou bien encore à l’hypocrisie. Les livres de Stephen King au moins m’offraient une sorte de stabilité affective somme toute relative. Et à vrai dire le Fléau m’offrait un véritable monde ! Écrit en 1978, le King offrait au monde entier l’un de ses meilleurs romans (sinon le meilleur selon moi). Mais le plus étrange encore, c’est qu’à l’époque il faisait office de véritable visionnaire. Ou bien même pire, de fou ! Après tout Nostradamus avait écrit avant lui pas mal de conneries qu’il osait appeler par ailleurs « prédictions » et qui pour certaines d’entre elles par pur hasard ou bien sans doute par chance ont fini par se réaliser (à moins bien entendu qu’il ait réellement vu quelque chose, ou bien peut-être était-il un canal soumis à la dictée de telle ou telle entité, après tout, on ne le saura jamais). Comme quoi, tout arrive à qui sait attendre. Ou sans doute les choses existent-t-elles à partir du moment où elles sont imaginées et mises noir sur blanc sur papier (mais cela est un autre débat dans lequel je ne m’aventurerai pas). C’est là tout le pouvoir de la Littérature et de l’imagination de l’écrivain ! Toutefois, à la relecture des BD du cycle sorties en douze tomes entre 2010 et 2012, je ne peux qu’en être convaincu. Déjà à l’époque (je veux dire à celui de ma lecture du roman, lorsque j’étais encore assez boutonneux et repoussant pour qu’aucune princesse n’ose s’aventurer à venir m’embrasser sur le bout du nez, bien que cela n’ait pas réellement changé depuis), cette histoire m’horrifiait au plus haut point. Je veux dire elle paraissait tellement plausible que je me disais : mon Dieu si ça nous arrive, on est mal ! Bon depuis, j’ai un peu mûri et les films de série B, de série Z et de Zombies sont passés par là, ainsi que Walking Dead (que j’ai découvert par ailleurs par la version comics avant même que ne sorte la série télé). Je trouve d’ailleurs de très grandes similitudes entre les deux univers et je me dis que Robert Kirkman (alias Ze Créateur génialissime de The Walking Dead en version comics) a quand même pas mal pompé sur le King (je veux dire ambiance post-apocalyptique, société en reconstruction, combat entre le Bien et le Mal, psychologie creusée des personnages survivants, et multitudes de ces personnages qui plus est). D’ailleurs le cycle le Fléau en BD a surfé à n’en pas douter sur la vague du succès de The Walking Dead aussi bien à la télé que sur Netflix (Vade retro Satana !) ou qu’en comics (puisque la première saison est sortie en 2010, et les comics sont parus entre 2003 et 2019 avec pas moins de trente-trois albums). Du reste les dessins de Tony Moore (pour le premier tome) et de Charlie Adlard (pour les trente-deux suivants) sont assez proches de ceux de Mike Perkins (le dessinateur du Fléau), sans parler de la mise en couleur, qui est quasi un « copier-coller » (enfin en ce qui concerne les planches en couleurs, notamment celles des couvertures). Ceci dit, je me rappelle aussi avoir regardé à la télé les quatre épisodes du Fléau de Mick Garris tournés en 1994 avec très peu de budget. Bon certes cette mini-série a un peu vieilli depuis (tout comme moi ceci dit en passant, on ne se refait pas, il n’y a guère que le bon vin à pouvoir le faire, pour la piquette et pour le reste, tout fout le camp !) mais elle reste tout de même acceptable et regardable en l’état, et elle a au moins le mérite d’exister et de nous plonger dans l’univers du maître du suspense et de l’horreur post-apocalyptique, et donc de l’anticipation pré-Covid19 sans oublier tous ces nombreux et gentils variants (Alpha, Beta, Delta, Gamma, Omicron, bref tout l’alphabet grec va y passer, et les formes néologistes hybrides : Deltacron and Co). Pour résumer, un violent virus foudroyant (variant de la grippe, tiens tiens, ça ne vous rappelle rien ?) décime toute vie humaine ou presque sur Terre (à hauteur de 95%, après tout si ça continue comme ça, on est plutôt bien partis). Une bande de rescapés s’organise ou plutôt essaie de survivre à cet effondrement soudain de la Société et de notre Humanité, et doit faire le choix cornélien entre le Bien et le Mal (oulala quel dilemme mon Dieu ! Pas facile vraiment…). Bon en même temps vue la gueule du Mal, représenté par le personnage horrifique de Randal Flagg on est un peu en droit de douter… Bref, tout du best-seller, puisque tous les ingrédients y sont réunis, sans oublier les histoires d’amour, le personnage de la femme enceinte, des histoires de cannibalisme, les notions de perte et de survie, etc. Ce qu’il y a de plus drôle là-dedans, enfin sans faire de mauvais jeux de mots, ou sinon de rire jaune seulement, c’est qu’après avoir lu le livre, il y a pourtant une bonne vingtaine d’années maintenant (je dirais même 26 ans si mes calculs sont bons) ; eh bien tous les personnages et même l’histoire racontée me paraissent étrangement familiers. Comme si ces derniers ne m’avaient jamais vraiment quitté. En même temps, quand on regarde la crise sanitaire que l’on vit depuis maintenant trois ans, je me dis qu’en effet il ne pouvait en être autrement et que finalement le cauchemar est devenu réalité. Bon je ne dévoilerai pas la fin mais je vous laisse l’imaginer. À vous d’en faire une Happy-end à la mode hollywoodienne. Oui, sauf que les films d’Apocalypse et de Zombies sachez-le ne finissent jamais bien mais plutôt en eau de boudin… En même temps je dis ça, je dis rien 😊. Toujours dans ce contexte « post-Covidiliptique » je rajouterai qu’une nouvelle mouture de la série le Fléau (mais de Neuf épisodes cette fois et avec un budget revu à la hausse) a vu le jour en 2020, histoire de la dépoussiérer un peu et de la remettre au goût du jour, puisqu’elle était littéralement et même physiquement au menu. Et comment dire, indigeste… Histoire aussi de faire un peu de business en surfant une fois encore sur la vague (business is business isn’t it? Après tout, on vend bien des armes aux pays en conflit, alors why not). En même temps, elle n’a pas rencontré le succès escompté car ce que l’homme vit réellement au quotidien, ça ne peut plus décemment lui faire peur. Il faudrait pour cela passer à un stade supérieur de l’Horreur, vous savez, celle avec un grand H mais qui ne saurait hélas tarder (et non non, ce n’est pas Hiroshima). Il faut donc prendre son mal en patience… Et puis Stephen King n’a rien inventé sinon l’eau chaude (ah non, après vérification ce n’était pas lui, au temps pour moi, pardonnez-moi mes inepties) et la littérature Ketchup, que j’apprécie fortement par ailleurs avec mes Hamburgers, mon Coca et mes french frites ! (Malbouffe quand tu nous tiens ! Décidemment pas un pour rattraper l’autre…), l’Humanité a connu de tous temps des épidémies et autres pandémies, ses épisodes mortels de Peste, le Choléra, la Lèpre, la Variole qui a décimé à elle seul ou presque tous les peuples amérindiens (bien aidée en cela par les Européens), plus proche de nous encore : le Sida, La Grippe espagnole, le SRAS, la Grippe aviaire, la Vache folle, le Chikungunya (à moins qu’il ne s’agisse de Pascal Chimbonda, je ne me rappelle plus, du reste plus personne ne se rappelle de lui) ; bref il faut de tout pour faire un monde comme disait non sans humour le générique d’Arnold et Willy (eh oui je vous avais prévenu, je suis vieux, pardonnez-moi pour mes références douteuses), mais on dirait bien que quelque chose ou bien encore quelqu’un ne voudrait pas de nous ici. À se demander pourquoi. Curieux non ? Ceci étant le mot de la fin, car étant déjà une heure du mat’ je me dois de vous laisser très cher lecteur, très chère lectrice, en espérant vous avoir pas mal fait réfléchir ou même réagir, n’hésitez pas à poster vos com’, ou bien encore à partager ; ça ne gâche en rien… Voilà voilà & Good Morning England !
- Cette nuit-là (1/4)
J’émerge brusquement d’un sommeil sans rêve. À en juger par la totale pénombre de la chambre, il doit être 3h du matin... De mauvaises ondes grandissent rapidement et je commence à avoir peur. J’étends le bras sur ma droite et je constate bien vite qu’il n’est plus là. J’essaye de garder mon calme et me redresse péniblement en fronçant les sourcils. Où est-il est passé ? J’attrape par réflexe mon téléphone pour voir s’il m’a laissé ne serait-ce qu’un SMS, mais rien. Je rejette la couverture sur le côté alors que mon sang froid prend tranquillement la poudre d’escampette. Je me lève du lit et m’approche de l’unique fenêtre de la pièce, hésitante. J’oscille entre deux questions, chacune plus oppressante que l’autre, comme un métronome. Vais-je le trouver dans le jardin ou bien mon cœur s’arrêtera-t-il s’il n’y est pas ? Je soupire pour expulser ma tension, tout en sachant que ça ne changera rien. Cette sensation est insupportable. Mon regard arrive au niveau de la fenêtre et, lentement, accède au champ de vision qui répondra à ma question. J’ai un mouvement de recul avant de reconnaître son sweat blanc. Puis le soulagement m’envahit et je me rends compte que j’ai trop longtemps retenu ma respiration. Zak est assis au bord de la piscine, les pieds dans l’eau, la tête légèrement baissée. La lumière d’un lampadaire éclaire juste assez le jardin pour que je puisse le voir. Je ne peux voir que son dos, mais je parie que ses pieds jouent dans l’eau et qu’il les regarde, absent. Et je ne lui en veux même pas. Comment le pourrais-je, alors que ça fait des heures qu’on s’est engueulés ? Le voir au bord de l’eau, au milieu de la nuit, ne m’étonne même pas... Je n’ai jamais compris pourquoi il faisait ça, d’ailleurs ; sa peur bleue de l’eau devrait l’en empêcher. L’observer dans le silence de la nuit doit l’apaiser, je suppose... J’aimerais juste qu’il n’ait pas à faire ça. Ne pas se lever, en pleine nuit, pour atténuer sa douleur... et ça dure depuis qu’on est tout petits. Pourtant, à chaque fois ça me déchire le cœur. Parce qu’il ne mérite pas de souffrir comme ça ; et surtout pas qu’on le pousse à se tourmenter pour des problèmes pareils... Ça m’énerve tellement, quand j’y repense... Quelle pourriture ce mec ! Comment il fait pour me retrouver tout le temps ? Qu’est-ce que je dois faire pour qu’il arrête de connaître mes moindres faits et gestes ? Ça me rend folle ; folle qu’il pousse Zak à bout, folle qu’il me traque sans arrêt, folle qu’il soit LA raison pour laquelle on se fout sur la gueule... Ça ne devrait pas se passer comme ça. Je devrais m’engueuler avec Zak pour des erreurs qui nous concernent. Nous deux, ça devrait juste être nous deux... Je ne devrais pas avoir besoin d’être en permanence sur le qui-vive ; je ne devrais pas craindre de partir toute seule. Je ne devrais pas avoir la peur au ventre de tomber sur ce mec pour qu’il casse mes défenses et me fasse du mal. Non, c’est pas une vie... On a 20 ans, merde ! Pourquoi on s’éclate pas ? Pourquoi on profite pas de notre liberté ? Pourquoi on nous laisse pas nous aimer ? Pourquoi on s’amuse toujours à s’immiscer entre nous ? Pourquoi c’est si drôle de détruire une relation... ? Soudain, je remarque que Zak bouge un bras, dans le jardin. Il cherche quelque chose dans sa poche, mais l’objet qu’il en sort n’est pas bien visible. Je plisse les yeux et me rapproche un peu plus de la fenêtre. OH. HELL. NO.
- Alabama what? WTF ? Alabama Monroe ! Une violente claque !
Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas versé une larme devant un film, eh bien vous savez quoi ? C’est chose faite désormais ! Du reste je n’ai pas à en rougir ni même à m’en cacher car cela reviendrait à dire que j’ai bel et bien un cœur caché là sous la carapace épaisse de mon armure de glace. Pour revenir au film du réalisateur belge Felix Van Groeningen (si si, le réalisateur de La Merditude des choses également, un film que j’avais aussi adoré à l’époque), Alabama Monroe nous balance une violente claque en plein visage sinon un uppercut du droit direct dans les gencives. Un film à rapprocher de A Star is Born avec Bradley Cooper et Lady Gaga, du reste l’histoire est quasi similaire, à peu de choses près on retrouve un mec barbu aux cheveux longs, un peu rebelle sur les bords, pour ne pas dire borderline, mais surtout cow-boy musicos et qui chante (à croire que les femmes n’aiment que les bad-boys…). Ici le cowboy en question est belge et fan des States, il chante et joue du banjo dans un groupe de country belge. Il vit dans une caravane au milieu de nowhere, des poules, avec son chien et ses chevaux en attendant de rénover une vieille bâtisse. Il vivote pour ainsi dire et vit d’amour et d’eau fraîche (mais surtout de bières belges) avec ses potes, ainsi que de sa passion pour la country et pour les États-Unis. En résumé une belle ode à la vie qui n’est pas sans rappeler La Merditude des choses, jusqu’à ce que tout dérape. Un jour, il fait la rencontre d’une jolie petite blonde tatoueuse de son état. Un brin rebelle tatouée elle aussi et c’est le big love ! (Contrairement à lui qui ne veut pas se faire « trouer la peau », mais tout du moins ils se rejoignent sur le côté musique et cowboys). Elle a de plus tout de la pin-up ! Ce qui ne peut que taper dans l’œil de notre cowboy belge. La magie amoureuse fait le reste, elle tombe très vite enceinte et les choses de la vie suivent leur cours, avec leur petit lot de bonheur mais aussi, à proportion égale, de malheur. Elle devient la chanteuse attitrée du groupe, et le succès les grise, ils se marient, une petite fille pointe le bout de son nez. Ils rénovent la vieille maison pour offrir un toit solide à leur petit ange. Une histoire digne d’un conte de fée me direz-vous ? C’est sans compter les dérapages et les planches savonnées par je ne sais quel sadique qui tire là-haut les ficelles de nos pauvres existences… Car la vie est comme un yoyo, plus haut on va, et plus bas on descend irrémédiablement et proportionnellement. Pour ne pas dire, on passe de l’Enfer au Paradis et réciproquement ! C’est d’ailleurs cet enchaînement digne des montagnes russes des plus grandes fêtes foraines qui nous fait passer du sourire aux larmes en l’espace d’un instant. On se prend de sympathie pour ces personnages qui sont extrêmement attachants et auxquels on peut facilement s’identifier, ou tout du moins se projeter en partie. Les héros sont aussi beaux que cabossés. Aussi bien notre cowboy que notre cowgirl (tiens, tiens ! ça ne vous rappelle rien ?) et surtout la bande son est prenante à souhait, elle ne nous prend pas seulement aux oreilles mais également aux tripes, les airs de musique country s'enchaînent à un rythme endiablé, et l’existence tout entière est résumée à des chants et à des notes jouées par des instruments à cordes et à vent. Comme pour mieux dire que la musique est tout, elle est en nous et même nous dépasse à certains instants. Elle vibre et résonne tout autour de nous. La maladie, l’amour, la mort, la vie, les disputes, les réconciliations, les tragédies. Tout se met alors en musique et nous ne pouvons que nous laisser porter par le mouvement comme pris dans un tourbillon. Bref, un film à voir (mais aussi à écouter) de toute urgence ! Bien que sorti depuis quelque temps (ndlr en 2012)… Mais hip hip hip hourrah ! Les DVD existent ou encore les sites de streaming, on est sauvés !
- Un beau final
Et c’est ainsi qu’au milieu des vivantes, L’une d’entre elles se leva et proclama : « Que l’on fasse la Paix ! Que l’on fasse le Bien ! Faisons ce qui est Juste et coupons donc ce Lien ! » Toutes se regardèrent, étonnées : mais de quoi parlait-elle ? Qu’était-il donc de si urgent et de si important ? « Nous possédons la Vie, le plus grand des cadeaux Le plus fragile aussi, quand la maladie frappe ; Grâce à elle, les sens, pour en saisir le Beau A cause d’elle, les Maux, auxquels l’on n’échappe - Oui c’est bien la Vie que tu décris ; Quelle urgence à cela ? - Nous parlons peu de Mort et c’est une injustice. Nous la croyons lointaine et la redoutons fort, Personne pour la chérir, pour louer ses délices Qui donc, aujourd’hui, pourrait changer son sort ? Elle qui paraît si laide aux yeux des vivants Moi je veux l’inviter, la chérir très longtemps Pour qu’enfin on l’accepte avec sérénité, Qu’on légalise en France le suicide assisté. Il est trop de douleurs, trop de maux ignorés Ici-bas. Le suicide assisté pourrait y remédier : Si cette décision prend son germe en soi-même Alors n’est de raison pour que la mort ne sème. »
- L'amant
“Le Mépris” Écrire une page "déclenchée" par la scène d'anthologie du Mépris de Jean-Luc Godard réunissant Brigitte Bardot et Michel Piccoli (adaptation du roman d'Alberto Moravia). Ne pas dépasser un feuillet A4. (consigne de Jean-Michel Devésa) La scène culte de Brigitte Bardot dans « Le Mépris » (avec Michel Piccoli en 1963) Elle ouvre le frigo et prend un yaourt. Un velouté. C'est tout ce qu'elle arrive à manger, les veloutés. Pas besoin de mastiquer, pas même besoin de faire fondre la texture dans la bouche, ça s'avale tout seul même si la déglutition reste difficile. Elle ne le sucrera pas, le sucre l’écœure. Tout l’écœure. Elle a déjà perdu deux kilos. Deux kilos en deux mois. Deux mois qu'elle est suspendue à ses appels. Deux mois qu'elle attend de le retrouver, une fois par semaine au mieux, pour deux heures au plus. Elle s'installe à la table. Elle est prête. Il sera là dans un quart d'heure. Elle ouvre l'opercule avec application, elle prend son temps. Bientôt il sonnera, il lui sourira crânement et l'embrassera à pleine bouche puis il l'entraînera, comme une princesse, dans la chambre. Dans la chambre conjugale. Elle se dégoûte. Elle jette un œil à la fenêtre. Il pleut. Elle pleure. Hier, elle a laissé Marc lui faire l'amour. Elle était étendue sur le dos et a attendu. Elle savait qu'il la regardait dans les yeux. Il la regarde toujours dans les yeux quand ils font l'amour. Mais hier, elle a détourné la tête. Elle ne le supporte plus. Elle ne supporte plus de l'entendre respirer, d'entendre ses bruits de bouche et la platitude de ses discussions. Elle ne supporte plus jusqu'à son existence. Pourtant, ils étaient bien ensemble. Il est gentil Marc, attentionné. Il voit bien que sa femme lui échappe. Elle s'est remise à fumer. C'est un signe. Elle avait arrêté quand ils s'étaient mis ensemble. C'était il y a quinze ans, quinze ans déjà, quinze ans qu'elle n'avait jamais regardé un autre homme. Elle s'est remise à sortir tard le soir avec ses amies. Il ne la reconnaît pas, il lui dit. J'ai besoin d'air, elle lui répond. Il s'énerve. De plus en plus souvent, des éclats de voix jaillissent de la maison et s'étouffent dans un claquement de porte. Elle avale une autre cuillerée malgré les larmes qui roulent sur ses joues, il faut manger. Elle est amoureuse. Elle est dingue d'Antoine, elle voudrait se fondre en lui. Quand ils se voient, elle boit tout. Tout ce qu'il est la séduit, la voix d'Antoine, les mots d'Antoine, les gestes d'Antoine. Son corps (ses fesses), son visage (sa bouche, ses yeux). Pourtant, il a été clair dès le début. Il ne quittera pas sa femme. Et de fait elle ne voit aucune évolution dans leur histoire. Elle s'était dit qu'il tomberait amoureux. Comment pourrait-il ne pas l'aimer alors qu'elle l'aime tant ? Mais non. Elle sent bien son détachement. La première fois qu'ils ont couché ensemble, il lui a dit qu'il ne trouvait rien d'intime dans le sexe. L'intimité c'est le quotidien qui la crée. Se rend-il compte de ce que ça lui a coûté de se donner à lui ? La dose de courage qu'il lui a fallu pour confier son corps à un autre que son mari ? Elle se donne à lui. C'est bien ça le mot. Son désir la rend totalement soumise, il sublime tout, elle accepte tout. Encore une bouchée. Dans quelle merde elle s'est foutue. Elle est en train de tout perdre. Avec quelle légèreté pourtant elle était rentrée à la maison la première fois qu'ils se sont vus. Quand elle s'est installée au volant de la voiture familiale, elle a souri rageusement. La petite fille bien sage, celle qui avait toujours obéi, celle qui traversait toujours aux passages cloutés, elle avait tout envoyé en l'air, elle l'avait fait. Elle s'était libérée en une soirée du poids de son éducation, d'interdits bien intériorisés. Le lendemain, ça l'avait vite ramassée. Le manque et la culpabilité. Le manque avait triomphé. Elle était prête à le revoir, le voir chez lui et baiser dans le lit de sa femme. Le voir chez elle. Elle n'avait plus aucune once de moralité. Elle s'avilissait. Une dernière cuillère, elle le finira après. Elle regarde l'heure, il ne devrait pas tarder. Dans une heure, elle commencera à avoir mal au ventre. Elle voudrait qu'il ne parte jamais, que jamais il ne la quitte. Elle se fait honte. Elle n'a rien gagné, si ce n'est un vide béant laissé par celui qui ne l'aimera jamais. Elle a tout perdu. La sonnerie retentit. Elle se lève, replace le yaourt aux trois-quarts entamés dans le frigo et se dirige vers la porte d'entrée, les yeux éclaircis d'une lueur d'illuminée.
- Il existe un monde...
Il existe un monde où tout est plus serein, Où l’on voit de plus haut Où l’on s’inquiète moins Il existe ce monde Je te le ferai voir : Là, ferme tes paupières Tout est-il toujours noir ? Respire, souris à pleins poumons Ce monde est en toi Il sera toujours là Pour peu que tu le veuilles Va, mais ne l’oublie pas Il sera ton refuge contre ce qui te heurte
- La balançoire
Rédiger un monologue d’une page où le personnage tente de convaincre quelqu'un qui ne lui répond que très brièvement et à la toute fin. (consigne de Paul Francesconi) EMMA, 25 ans ANNE, sa sœur, 22 ans La chambre d’Anne. EMMA. Allez viens avec moi. Tu ne peux pas rester ici indéfiniment. Qu’as-tu à y faire, de toute manière ? C’est dehors que les choses se passent, que le monde se découvre à nos yeux. Si tu sortais, tu ne voudrais plus jamais rester là comme tu le fais, toute seule à ruminer comme une vache. Ne sois pas vache mais va les rencontrer, celles qui broutent dans leur pré… Bon, je conviens que te traiter de bovine ne va pas m’aider à te convaincre mais si tu voyais tout ce que tu manques, tu m’en voudrais de ne pas t’avoir persuadée plus tôt… Tu sais, j’aime la solitude moi aussi ; avoir du temps et de l’espace pour moi, retrouver mon intimité. Ce n’est pas pour autant que je dois me couper de la présence des autres. Tu dois partager, partager le rire et les émotions. On peut rire de quelque chose qu’on voit sur un écran ou qu’on lit, on peut surtout rire avec quelqu’un en chair et en os et c’est tellement plus réjouissant ! Tu dois créer des relations avec les gens qui sont autour de toi et avec le monde. Prends de grandes inspirations, observe les oiseaux dans les arbres, le chat qui se frotte contre tes chevilles, écoute les conversations et le bruit de l’eau qui coule. Sois attentive et tu seras plus attentionnée, avec les autres et avec toi-même. Tu vois la connexion que tu as avec ton lit et ta couette ? Je veux que tu aies la même avec la porte de la cuisine, que tu sois tout aussi contente d’y entrer que d'en sortir. Je sais que ce n’est pas facile et encore plus pour toi. Nous ne sommes pas pareilles ; cela ne me dérange pas d’aller au cinéma toute seule ou bien d’aller parler à des inconnus sans être embarrassée. C’est pour cela que je veux t’aider à sortir de ton cocon. Il faut que tu t’appuies sur mes forces et vice versa. Par exemple, je suis incapable de réaliser un travail avec patience ; tu m’impressionnes chaque fois que tu passes des heures sur ton projet. Mais c’est parce que nous sommes différentes l’une de l’autre que tu comprends que je ne serai pas toujours physiquement là pour t’encourager. Je pense à partir en Australie… ou en Chine, un endroit à découvrir ! Tu es une fleur qui doit éclore le plus tôt possible parce que après, je ne serai plus là pour te pousser à faire quelque chose. Tu vois, c’est comme la balançoire qu’il y avait dans le jardin quand nous étions petites. C’était amusant quand je te poussais pour que tu ailles le plus haut possible. Tu te souviens ? Tu disais que tu voulais rencontrer le Père Noël. La balançoire, c’est plus facile à deux mais on peut aussi en faire toute seule. Il suffit de donner l’impulsion avec ses jambes : en avant, en arrière, en avant, en arrière ; alors en avant ! Et puis tu n’as pas besoin de te jeter dans le grand bain aujourd’hui ni de gravir l’Himalaya. Nous pouvons y aller pas à pas. Que dis-tu d’aller manger une glace ? Nous pourrions y aller à vélo ! Ou bien se promener en forêt. Si nous ramassons de quoi préparer le dîner, papa et maman seront contents. Cela serait notre cueillette du jour, à défaut de cueillir le jour pour l’instant. Je préfère que tu aies des regrets de m’avoir accompagnée plutôt que des remords de ne pas être venue. Alors, qu’est-ce que tu décides ? Je ne souhaite absolument pas t’influencer mais tu remarqueras que je te fais mon plus beau sourire… Bon, moi j’y vais… ANNE. Attends, je mets mes chaussures.