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Quelques idées de mots-clés :

Cinéma

Poésie

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Théâtre

304 éléments trouvés

  • GĂ©nĂ©ration gĂ©nĂ©rique

    RĂ©Ă©crire la microfiction Slogans de David Thomas (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) Bienvenue au pays des hommes, les petits ĂȘtres de la planĂšte bleue oĂč tout est merveilleux ! Vous avez traquĂ© ses ressources et ses mystĂšres, le secret de ses pouvoirs. Vous les avez tous attrapĂ©s. Vous vous ĂȘtes conduits comme des fous du volant et voulez maintenant devenir des zinzins de l’espace. On vous a demandĂ© de nous raconter une histoire. Vous nous avez dit : « Enfants du Soleil, vous parcourrez la Terre, le Ciel. » sans comprendre que les mystĂ©rieuses citĂ©s d’or n’étaient qu’utopies de conquistadores. Vous avez pillĂ© le sol jusqu’à devenir comme lui, pauvre et dĂ©sertĂ©, sans plus aucune vache Ă  garder dans les prĂ©s. Vous l’avez poursuivi comme le macabre jeu de Tom qui court aprĂšs Jerry, de Grosminet aprĂšs Titi et malheureusement, le Coyote a vaincu. Vous pensiez au fun et Ă  la vitesse d’abord, sans comprendre la panique Ă  bord. Alors, au nom de la loi et de la Terre, on vous arrĂȘte, vous et tous vos gadgets parce que c’est vraiment trop injuste. Nous on vous suivait partout alors que vous pensiez Ă  vous, c’est tout. On va rĂ©soudre ce mystĂšre et on ira, on saura sauver notre existence et on se battra sans rĂ©pit pour refaire un monde sans danger.

  • Brouhaha

    Je voudrais que tout s’arrĂȘte lĂ , Ne plus avoir Ă  faire de choix, Ne plus avoir Ă  surmonter la vie, Plus de guerriĂšre, plus d’envies. * * * Tu crois t’éteindre, puis tu revis Et tu dois faire Ă  nouveau face A la rĂ©alitĂ© qui t’entoure Par-ci, par-lĂ  un peu de bruit Puis le brouhaha alentours Tes sens sont Ă  nouveau actifs Les images te reviennent par flashs Tu as du mal Ă  les fixer RĂ©alitĂ© ou bien rĂȘve ? Tout est bel et bien brouillĂ© Quand tu reviens rien n’a changĂ© Ce corps est toujours le tien Avec cet esprit torturĂ© Tu obĂ©is, tu te consoles On te promet la guĂ©rison Pour peu que tu le veuilles encore - et mĂȘme quand tu ne le veux plus Alors tu vaques de chambre en chambre Pas encore fixe mais pas le choix : Il faut guĂ©rir, tu le leur dois. La malade : Je voulais mourir, vous savez. Je le voulais vraiment. Psychologue : Pourquoi cela ? La malade : L’étau autour de moi
qui grandissait, qui s’alourdissait ; vous ne comprenez pas ? Ce que l’on nomme « dĂ©pression », c’est bien plus qu’une maladie. C’est un couloir exigu qui ne se termine pas. Une sensation de Vide, une sensation de Trop. Une paralysie. Une fatigue extrĂȘme. On se voit changer mais on ne peut rien faire. On s’abĂźme Ă  ressasser des choses, on s’abĂźme dans un monde si froid. Je n’avais pas le choix. Je ne pouvais plus vivre. Psychologue : On a toujours le choix. Mourir c’est renoncer, Il faut se battre pour vivre. * * * Un livre au coin de l’étagĂšre derriĂšre la meute de psys. Antigone de Jean Anouilh. Flash. Succession de pensĂ©es. L’émotion Ă  ma premiĂšre lecture. L’émotion Ă  ma deuxiĂšme lecture. Antigone
 Antigone ! Toi que j’admire tant Ton courage et ta force Ta façon de dire « Non ! » Tu meurs pour tes idĂ©es, tes convictions. La malade : Je suis comme Antigone. « Moi, je veux tout, tout de suite,- et que ce soit entier -, ou alors je refuse ! » Je ne veux pas de demi-mesure, pas de compromis. Je ne veux pas de petits bonheurs ni attendre pour ĂȘtre pleinement heureuse. Psychiatre 1 : Antigone est un personnage de fiction, madame. Nous sommes dans la vie rĂ©elle. La malade : Quelle diffĂ©rence ? Je veux pouvoir rĂȘver, je veux ĂȘtre absolue. Ou rien. Ou la mort. Psychiatre 2 : Vous ne pouvez pas dĂ©cemment venir nous voir et nous demander de mourir, enfin ! Nous sommes des mĂ©decins, nous sauvons des vies. Psychiatre 3 : Vous rendez-vous compte de votre Ă©goĂŻsme ? Et vos proches dans tout ça ; avez-vous pensĂ© Ă  leur peine ? Que croyez-vous prouver Ă  votre mort ? Qui croyez-vous ĂȘtre ? Psychiatres 1, 2 et 3 en chƓur : Ces malades ne se rendent pas compte De la chance qu’ils ont D’ĂȘtre entourĂ©s et aimĂ©s Ils voudraient tout, ne connaissent pas le manque Nous travaillons sans cesse Notre vie est Ă©puisante Nous ne nous plaignons pas : Qu’ils en prennent de la graine. Iels ne me comprennent pas : Iels me pensent Ă©goĂŻste : Vivez ce que je vis, on en reparlera. Vous ne savez pas ce que c’est Que de vouloir mourir Et vous y essayer. Puis Ă©chouer. De nouveau condamnĂ©e Ă  vivre À vous faire insulter Par des techniciens du cerveau En blouse blanche Qui ont pour toute sensibilitĂ© Des manuels, des thĂ©ories Plein la tĂȘte Et pas de tact Et peu de cƓur. * * * La malade : « Vous dites que c’est si beau la vie. Je veux savoir comment je m’y prendrai pour vivre. » Psychiatre 4 : Mais vous savez, madame, la vie ça n’est pas simple. La vie c’est difficile parfois ! Il faut apprendre Ă  surmonter les obstacles, Ă  ne pas tomber au moindre coup de vent. Il faudrait que vous arriviez Ă  gommer votre forte sensibilitĂ©, Ă  vous endurcir. La malade : Ma sensibilitĂ©, c‘est ma force. Je souhaite rester candide et lutter par l’innocence contre la monotonie, le manque de bienveillance et la solitude du monde des adultes ! Et puis d’abord, j’en ai marre de prendre tous ces mĂ©dicaments. Je suis Ă©puisĂ©e. Psychiatre 4 : Haha, tous mes patients me disent ça ! Mais vous avez besoin de ces mĂ©dicaments. Sans eux vous essayeriez Ă  nouveau de vous suicider. Soyez patiente. La malade : Je ne suis pas dans la vie, je le ressens bien. Je ne suis pas dans la vie car je ne ressens rien. Je ne sais percevoir ces moments de bonheur, Tous ces moments censĂ©s rĂ©chauffer le cƓur. J’ai vĂ©cu trop longtemps sous l’énorme rocher De mes peurs, des traumas, la tristesse, la solitude Qu’aujourd’hui je peine Ă  imaginer La vie en dehors de cette mĂ©dicamenteuse platitude. C’est trop long. J’ai luttĂ© douze ans
je n’en peux plus, c’est trop pour moi. Psychiatre 4 : Vous voyez le verre Ă  moitiĂ© vide, madame. Ne pouvez-vous pas le voir Ă  moitiĂ© plein ? Vous avez une famille qui vous aime, vous ĂȘtes en France et avez accĂšs Ă  des soins psychiatriques. Beaucoup de gens n’ont pas votre chance. * * * Les proches : La vie en vaut la peine. Tout le monde n’a pas la mĂȘme vision de la vie que toi, il faut que tu l’acceptes ! Tu apportes chagrin, tristesse et colĂšre ; Nous voulons vivre, et vivre heureuses, mĂȘme. La malade : « Vous me dĂ©goĂ»tez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu’il faut aimer coĂ»te que coĂ»te. » Moi je ne veux pas vivre, je ne le voudrai jamais ! Vous ne me forcerez pas, vous ne pouvez pas me forcer Ă  aimer cette vie et Ă  vouloir y rester ! Vous dĂźtes que vous m’aimez ? Vous voulez rĂ©ellement m’aider ? Aidez-moi Ă  mourir. Fais mon deuil, ce n’est rien. Mais avant, Viens, viens me rejoindre LĂ  oĂč l’espoir et la lumiĂšre se font rares LĂ  oĂč les traumatismes sont nos meilleurs amis LĂ  oĂč le cauchemar est permanent, OĂč le deuil de toi-mĂȘme n’est pas qu’optionnel. * * * La malade : « Quelles pauvretĂ©s faudra-t-il qu’elle fasse elle aussi, jour par jour, pour arracher avec ses dents son petit lambeau de bonheur ? » MiansĂ©rine 60mg TĂ©mesta 3mg Solian 10mg Abilify 15mg Haldol 3m
15mg Tertian 15mg Nozinan 15mg Parkinane 15mg Sertraline 50mg Vous ne savez faire que ça : donner des substances. Vous n’écoutez pas, vous ne cherchez pas Ă  comprendre. Madame la psychiatre, c’est moi qui vous paye vos Louboutin. Monsieur le psychiatre, c’est moi qui vous paye votre Porsche. Vous me traitez comme de la merde ; vous devriez m’ĂȘtre reconnaissant.e.s d’ĂȘtre malade. Vous pouvez exercer grĂące Ă  moi. Vous gagnez tout votre fric grĂące Ă  des gens comme moi, que vous gavez, que vous anesthĂ©siez, que vous ruinez Ă  coup de mĂ©docs dangereux, inappropriĂ©s, surdosĂ©s. Vous faĂźtes un mĂ©tier prestigieux mais vous n’avez pas une once d’humanitĂ©. C’est vous, les merdes. Vous ĂȘtes des grosses merdes Ă  mes yeux. * * * La malade : « Qui devra-t-elle laisser mourir en dĂ©tournant le regard ? » Je vois des corps, des cƓurs, des cerveaux, des Ăąmes gĂąchĂ©.e.s par vous. Par vos mĂ©docs. Je vois des vies brisĂ©es par vos paroles et par vos dĂ©cisions arbitraires. Je vois toute votre noirceur, toute votre mauvaisetĂ©. Je sais. Je sais que je laisse mes adelphes dĂ©crĂ©pir sous vos ordonnances. Et je ne fais rien. Je ne peux rien faire. Je pourrais vous tuer ou brĂ»ler votre bureau. Mais ce serait moi la coupable. Alors j’écrirai. J’écrirai sur ce que vous m’avez fait. Vous m’avez rendue plus malade que je ne l’étais. Et si je guĂ©ris un jour, ce sera grĂące Ă  moi. Uniquement grĂące Ă  moi. À ma force que vous ne savez percevoir. Et Ă  mon innocence, que je conserverai coĂ»te que coĂ»te. Vous ne me la prendrez pas. J’écrirai pour que les choses changent enfin. Je ne me tuerai pas, j’écrirai.

  • Le feu sur moi

    Écrire une microfiction en intĂ©grant dans l’ordre que vous souhaitez “blessure”, “lumiĂšre” et “pamplemousse” (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) Je m’appelle Catherine, j’ai trente-deux ans et je suis chercheuse Ă  l’universitĂ©. En 2008, je suis partie au Pakistan en collaboration avec une association humanitaire qui s’appelle ‘’Sauver les enfants du monde’’, dans le cadre d’une Ă©tude sur les enfants maltraitĂ©s dans les diffĂ©rentes rĂ©gions du monde. AprĂšs des semaines d’investigations et d’entretiens sur le terrain de ma recherche, j’ai fait la connaissance d’une jeune fille, ĂągĂ©e de seize ans, dans un hĂŽpital pakistanais, secteur des brĂ»lures de troisiĂšme degrĂ©. Elle a acceptĂ© de me raconter son rĂ©cit de vie Ă  condition de veiller Ă  cacher son identitĂ© afin de ne pas encourir de dangers. Lors de l’entretien avec cette adolescente que je nomme ‘’Karima’’, j’étais accompagnĂ©e par une amie pakistanaise qui sait parler l’anglais et qui me servait de traductrice. Moi : Bonjour, ‘’Karima’’, j’espĂšre que vous allez bien. Karima : Dschii haan (qui signifie oui en Ourdou, la langue officielle au Pakistan) Moi : Merci d’accepter de me recevoir malgrĂ© votre fatigue. Je me prĂ©sente : je suis une chercheuse, et je suis venue ici pour enquĂȘter sur la condition des enfants oppressĂ©s dans le monde. Pourriez-vous me raconter pourquoi vous ĂȘtes brĂ»lĂ©e et qu’est-ce qui vous a menĂ© ici ? Karima : (toux) J’ai Ă©tĂ© brĂ»lĂ©e par mon frĂšre aĂźnĂ©, il a versĂ© du pĂ©trole sur ma tĂȘte et a jetĂ© une allumette de sorte que le feu a dĂ©vorĂ© le haut de mon corps. J’ai senti le feu m’arracher la peau et j’ai couru comme une folle dans la rue jusqu’à ce que deux femmes aient pitiĂ© de moi et aient jetĂ© les seaux d’eau, qu’elles venaient de remplir de la fontaine, sur moi. L’eau Ă©tait brĂ»lante 
Le feu Ă©tait brĂ»lant 
..Ma chair Ă©tait brĂ»lante. La douleur Ă©tait insupportable. Je ne cessais pas de hurler au point que je m’évanouissais. À l’hĂŽpital, la lumiĂšre intense de la chambre m’a rĂ©veillĂ©e, j’étais sur un lit blanc et j’étais entourĂ©e par des murs blancs et des rideaux blancs. Tout Ă©tait blanc, sauf ma peau, qui Ă©tait noire tel du charbon. Moi : Je comprends, c’est douloureux ce que vous avez vĂ©cu. Mais, quelle Ă©tait la raison de la conduite de votre frĂšre ? Karima : 
 Ma famille s’est aperçue de mon ventre qui grossissait. J’étais dans le 5Ăšme mois. Mon habit collait sur mon ventre et il devenait peu croyable que je ne sois pas enceinte. Étant donnĂ© que tomber enceinte hors du mariage Ă©tait interdit dans notre culture, ma famille jugeait que je devrais mourir avant que je ne lui fasse honte dans le village. Et mon frĂšre a Ă©tĂ© Ă©lu pour m’exĂ©cuter. Moi : C’est inimaginable. Votre famille vous condamne Ă  mort car vous ĂȘtes tombĂ©e amoureuse de quelqu’un ? Karima : (toux) Je sais qu’un fait pareil semble inconcevable dans la culture occidentale mais dans mon village, il se passe ainsi. Faire une relation extraconjugale signifie la mort. Ça s’appelle ‘’Zina’’ qui est violemment interdit. Ma famille a honte de moi et risque de m’expulser du village Ă  cause de mon pĂ©chĂ©. Elle m’en veut. Me voilĂ  brĂ»lĂ©e et complĂštement paralysĂ©e ne lui suffit pas. Elle veut ma mort afin de se racheter aux yeux des villageois. Moi : Votre frĂšre risque donc la prison puisqu’il a commis un crime. Karima : Cela est impossible. Mon affaire est classĂ©e dans la catĂ©gorie des ‘’crimes d’honneur’’. Le frĂšre qui exĂ©cute sa sƓur pour ‘’laver l’honneur de la famille’’ est considĂ©rĂ© comme un hĂ©ros. Le juge ne peut pas le mettre en prison sinon il sera perçu comme fautif devant tout le monde. Moi : Je suis triste de connaĂźtre tout cela. Toutefois, je ne resterai pas les bras croisĂ©s et je vais demander Ă  l’association ‘’Sauver les enfants du monde'' de vous aider, au moins,de vous soigner les cicatrices et cette blessure affreuse sur votre Ɠil gauche. Vu votre Ăąge, vous ĂȘtes encore mineure et elle peut bien vous sauver. Qu’en dites-vous, Karima ? Karima : Schukria, (qui signifie merci) Sauver ‘’Karima’’ Ă©tait une mission difficile mais finalement, on a rĂ©ussi Ă  la faire voyager en avion pour poursuivre ses traitements en Suisse et bĂ©nĂ©ficier des opĂ©rations chirurgicales d’ordre esthĂ©tiques. AprĂšs des mois, ‘’Karima’’ a repris sa santĂ© physique ainsi que mentale. Son visage dĂ©moli par les brĂ»lures est raccommodĂ© tandis que ses joues gardent une couleur de pamplemousse, c’est comme s’ils conservaient le souvenir atroce du feu qui a bouleversĂ© sa vie. Je pense qu’il est de mon devoir de continuer Ă  voyager Ă  travers le monde afin de sauver le maximum de victimes. J’entends leurs voix dans mes rĂȘves. Elles m’appellent, elles me crient « Au secours ! » « J’arrive ! » Septembre 2013

  • Tumultes sous l'onde

    RĂ©Ă©crire la microfiction No-kill de David Thomas. (consigne de Milena MikhaĂŻlova) L’eau est plutĂŽt claire aujourd’hui. Peut-ĂȘtre plus qu’hier. Elle est lĂ©gĂšrement trop chaude. Plus qu’hier. Nous avançons dans la saison. Je navigue entre des morceaux sombres immobiles emprisonnĂ©s dans la vase. Doux limon source de vie. Bouillonnement dynamique d’ĂȘtres dont je ressens les vibrations. Je gobe. Par-ci, par-lĂ . Puis je repĂšre une proie, un peu plus grosse, un peu plus haute que ma zone habituelle. Je me jette dessus, le ventre rĂ©clamant subsistance. Je tire, je tire. Et je tire encore. Je suis soulevĂ© et dans les airs maintenant. Quelque chose d’accrochĂ© dans ma gorge. On me manipule, on me pĂšse, on me mesure. Les couleurs sont plus claires et je devine le haut du bas. Je me meus comme je peux, c’est-Ă -dire difficilement. Je ne bouge pas pourtant je me dĂ©place. Me revoici de nouveau dans l’eau. Mon eau, mon habitat. Je ne comprends pas tellement ce qu’il s’est passĂ©. Mais je me limite Ă  ma vase maintenant. Pour plus de sĂ»retĂ©, je pars Ă  l’opposĂ© de ce cirque. Quel qu’il fĂ»t. L’eau est bonne aujourd’hui. Plus qu’hier. MĂȘme si je sens que ma peau, certaines zones, la ressentent diffĂ©remment. Je ne sais pas comment le dĂ©crire. Je la sens plus vive. Elle me fait mal, c’est plus que du simple inconfort. L’eau
 est trĂšs chaude, alors je me suis rĂ©fugiĂ© au plus bas de mon point d’eau. Ma peau me fait trĂšs mal, elle me dĂ©mange atrocement. J’ai envie de l’enlever, de voir ce qui m’arrive. Mais je ne peux rien y faire. J’étouffe dans un environnement qui m’est familier. J’étouffe comme la fois oĂč j’étais impuissant. Je rejoins la vase qui m’apaise un temps. Puis, en fermant les yeux pour toujours, je m’en vais l’alimenter, de mes restes. Un bruit me fait revenir Ă  moi. Une sonnette de vĂ©lo, au loin. J’ai chaud, une lĂ©gĂšre brise vient me caresser la nuque. La vie reprend sa danse bruyante dans le grand parc. Je regarde l’éclat brillant qui s’étale sur mes cuisses. Mon carnet ouvert Ă  une page. Blanche. Elle profite du soleil elle aussi. MalgrĂ© le planning, malgrĂ© le temps qui avance inexorablement, malgrĂ© les idĂ©es, elle reste blanche. Comme hier. Elle ne sera pas noircie. Enfin peut-ĂȘtre pas aujourd’hui. Elle ne sera pas dĂ©chirĂ©e, puis jetĂ©e. Non, pas aujourd’hui. Je referme le carnet de notes, mon carnet d’écriture, je referme le tumulte silencieux et pour l’instant invisible, et je soupire.

  • MystĂšres de nature

    Écrire une microfiction Ă  partir dutableau de David Hockney Le Parc des Sources, 1970. (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) – C’est une belle journĂ©e, commença-t-elle. – En effet, ajouta-t-il. MĂȘme si l’air sent la pluie, ça ne devrait d’ailleurs plus tarder. La femme Ă  la chevelure aux lĂ©gers reflets de feu se mit Ă  Ă©mettre un petit rire. Elle ne croyait pas en ce genre de dires. On ne pouvait prĂ©dire la pluie de cette façon. La mĂ©tĂ©orologie dite moderne Ă©tait une science encore balbutiante, et montrait peu de rĂ©sultats Ă  fort pourcentage, pour le moment. On ne pouvait donc ĂȘtre sĂ»r par ses sens humains qu’il allait pleuvoir dans la journĂ©e, ou encore dans l’heure. C’était une idĂ©e ridicule, mais elle se garda de le dire. Seulement, comme si l’homme avait dĂ©cryptĂ© ses pensĂ©es, ou peut-ĂȘtre son rire, il articula en hochant lentement et lĂ©gĂšrement la tĂȘte en avant. – Je sais que vous ne me croyez pas. Vous ne me croyez jamais. – Vous exagĂ©rez sur le jamais. Seulement, vous savez que c’est la science qui peut prĂ©dire ceci. Elle peut prĂ©dire beaucoup de choses. – La science n’est que la traduction pour les humains des Ă©lĂ©ments de la nature. Il y a le phĂ©nomĂšne de science et le reste. La nature reste secrĂšte. – Vous parlez vraiment de ce qui se trouve autour de nous, ce que nous n’avons pas encore expliquĂ©, ou alors vous parlez de ce qui se cache dans votre tĂȘte ? Ce fut au tour de l’homme d’avoir un petit rire. Il lissa le tissu brun de son pantalon avec le plat de sa main, puis ses doigts jouĂšrent avec la feutrine de son chapeau, qui jusque-lĂ  Ă©tait restĂ© bien sagement sur ses cuisses. – Choisissez ce qu’il vous plaĂźt, finit-il par dire, ses yeux parcourant les allĂ©es vides et le jardin s’étendant devant eux. Malheureusement, la psychologie est encore un phĂ©nomĂšne trop nouveau pour ĂȘtre pris au sĂ©rieux, n’est-ce pas ? La femme acquiesça silencieusement. Elle ne le savait que trop bien. Le cerveau tout comme la nature Ă©taient, au fond, des Ă©lĂ©ments bien mystĂ©rieux, qui passionnent et dont l’humain veut percer les secrets les plus enfouis. Pour la connaissance ou le pouvoir. Quelques gouttes tombĂšrent sur la fine peau blanche de la femme. Le reste fit entendre leur chute sur le sol en un lĂ©ger crĂ©pitement, qui ne tarda pas Ă  s’accĂ©lĂ©rer. L’homme remit son chapeau en souriant. La femme qui lui avait rendu visite se garda bien de dire quelque chose. Fort heureusement, une infirmiĂšre arriva avec deux parapluies, un qu’elle tenait au-dessus de l’homme, toujours lĂ©gĂšrement souriant et un autre qu’elle tendit Ă  la femme. Cette derniĂšre la remercia puis prit poliment congĂ© de l’homme, quand celui-ci lui dit avant de s’engouffrer dans le bĂątiment crĂšme, pour rejoindre sa chambre. – Vous devriez vous dĂ©pĂȘcher de rentrer, le vent va devenir violent et vous finirez trempĂ© jusqu’aux os. A la semaine prochaine, chĂšre ThĂ©rĂšse. Sur ces derniers mots, la femme, quelques cheveux collĂ©s sur son visage, regarda le patient de l’hĂŽpital psychiatrique disparaĂźtre dans la pĂ©nombre de la bĂątisse. Elle ne tarda pas Ă  resserrer les pans de son manteau autour de son cou, le vent se faufilant dans les interstices et faisant diablement danser le tissu lĂąche au niveau de ses jambes. Les feuilles des arbres rangĂ©s en file indienne bruissĂšrent de plus en plus fort lorsqu’elle tourna les talons pour trottiner jusqu’au parking, Ă  l’autre bout de cette longue allĂ©e.

  • Éclaboussures

    Écrire une microfiction en intĂ©grant dans l’ordre que vous souhaitez “blessure”, “lumiĂšre” et “pamplemousse” (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) Quand je tombe enceinte de mon fils, comme d'autres veulent des fraises, c'est du jus de pamplemousse que je dĂ©sire. Et pas du jus industriel. Des pamplemousses en provenance d'Espagne ou de ceux transportĂ©s du Maghreb dans de vastes conteneurs qui traversent la mer. Choisis avec soin au marchĂ©, je les coupe en deux et dans le presse-citron j'en recueille le liquide. Je me vois, sur une chaise au bord de la piscine, le ventre rond et les pensĂ©es fĂ©condes, savourant le nectar, ombrelle dans le verre glacĂ©. Quelques annĂ©es aprĂšs, tous les aprĂšs-midi d'Ă©tĂ©, je me tiens Ă  la mĂȘme place, prodiguant des conseils. Mon fils est un poisson. A quatre ans Ă  peine, il sait dĂ©jĂ  plonger et traverser la piscine. Quand il sort de l'eau, ravi et ruisselant, je l'emmitoufle dans sa serviette et lui sert un jus de fruit. Nous trinquons ensemble, aux pamplemousses pour moi, aux oranges pour lui, Ă  la lumiĂšre du ciel et aux mĂ©dailles futures. Quelques dĂ©cennies plus tard, mon fils me rejoint dans la cuisine. Il m'observe sans un mot prendre le grand couteau Ă  la lame effilĂ©e et trancher dans le vif les fruits dĂ©voilant leur couleur, rose indien, orange sanguin. Le presse-agrume Ă©lectrique couvre la clameur qui s'Ă©chappe de la piscine, les cris et les rires de mes petites filles. Grandi par l'assurance de ses 35 ans, de ses deux enfants et de deux biĂšres prises au repas de midi, alors que je verse les boissons, il se lance dans une litanie de reproches, une scansion de griefs. Ces repas dominicaux qu'il dĂ©teste, ces jus de fruit qu'il abhorre, l'odeur du chlore qu'il exĂšcre. Ces longueurs qu'il a dĂ» enchaĂźner deux fois par jour, six jours sur sept, qui ont bouffĂ© sa jeunesse. Ma fiertĂ© qu'il fallait qu'il nourrisse de victoires toujours plus grandioses et de marches toujours plus hautes. Ces rĂȘves que je lui ai mis en tĂȘte et dont je l'Ă©touffais. Et puis la sensation dĂ©licieuse du muscle qui se dĂ©chire, jouissance de la blessure qui l'a libĂ©rĂ©. Je lĂšve les yeux vers lui, je regarde le champion qu'il n'a pas Ă©tĂ©, le fils qu'il n'a pas su ĂȘtre. J'ajoute un filet de sucre dans mon verre pour ĂŽter l'amertume.

  • Chasser le bruit

    RĂ©Ă©crire la microfiction Babylone de RĂ©gis Jauffret (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) Depuis la mort de sa grand-mĂšre, Essia n’a plus quittĂ© son appartement. Elle a perdu sa motivation et son courage de faire face Ă  la vie. Des entretiens reportĂ©s, des rĂ©unions annulĂ©es, un tas de documents qui attendent sa signature, voilĂ  que travail est suspendu depuis deux semaines entiĂšres. Son tĂ©lĂ©phone portable n’a jamais cessĂ© de sonner alors elle l’éteint. Elle s’est complĂštement dĂ©connectĂ©e de la vie et demeure blottie dans le canapĂ© Ă  boire du thĂ© et Ă  lire des romans pas vraiment excitants que les histoires que lui racontait sa dĂ©funte grand-mĂšre. Quelqu’un frappe Ă  la porte et dĂ©range le silence qui rĂšgne dans le salon. C’est probablement un de ses employĂ©s qui lui ramĂšne, de nouveau, les documents Ă  signer. Elle ne fait aucun signe de vie jusqu’à ce que l’employĂ© se lasse de cette porte toujours fermĂ©e et la quitte. Elle reprend sa lecture et fume la quatriĂšme cigarette matinale. Un quart d’heure plus tard, elle s’ennuie trop de ces trois cent cinquante pages qui ne finissent jamais. Nerveuse, Essia ferme le livre et fait des allers et retours dans le salon. Elle ne veut pas rĂ©flĂ©chir aux travaux cumulĂ©s ni Ă  cet employĂ© qui dĂ©range sa tranquillitĂ© chaque matin avant qu’il aille Ă  son bureau. Elle ne veut pas rĂ©flĂ©chir Ă  quoi que ce soit. Se Vider la tĂȘte, c’est tout ce qu’elle souhaite. Elle a dĂ©cidĂ© de ne plus faire de bruit durant les deux semaines qui succĂšdent les funĂ©railles de sa grand-mĂšre, Zohra. Comme elle, Essia a voulu rejoindre la vie des morts, chasser les bruits afin d’écouter la voix de sa grand-mĂšre. Mais, elle a Ă©chouĂ© de l’entendre malgrĂ© tout. Rien au monde ne peut lui restituer la voix de sa grand-mĂšre. Elle constate la futilitĂ© de son enfermement et l’impossibilitĂ© de reconstruire la voix de sa grand-mĂšre dans sa tĂȘte alors elle fond en larmes et crie Ă  voix Ă©levĂ©e. Elle cherche Ă  exorciser sa peine et Ă  faire dĂ©couler son malheur larmoyant. Puis, elle s’évanouit sur le sol. Le lendemain matin, Essia se lĂšve. Pour la premiĂšre fois, elle dĂ©cide d’ouvrir la porte-fenĂȘtre et de contempler la rue encombrĂ©e de gens pressĂ©s et les voitures alignĂ©es sagement l’une derriĂšre l’autre Ă  attendre le feu vert afin de speeder. Le bruit de la vie routiniĂšre fracasse ses oreilles mais elle n’a pas quittĂ© le balcon. Elle veut regarder et contempler la vie Ă  travers ce bruit. Celui-ci est le signe de la vie. Quelques instants plus tard, son employĂ© vient frapper dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  sa porte alors Essia se redresse et lui demande d’attendre devant le cafĂ© d’en bas, le temps qu’elle porte son habit et qu’elle parte avec lui sauver le travail.

  • Mi Cariño

    Écrire une microfiction en intĂ©grant dans l’ordre que vous souhaitez “blessure”, “lumiĂšre” et “pamplemousse” (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) *Jeudi, 17h15 Le soleil arrivait enfin derriĂšre le grand bĂątiment blanc et venait inonder les salles oĂč les rideaux n’étaient pas baissĂ©s. Alors que dans certaines chambres l’on pouvait entendre des soupirs de soulagement et presque des ronronnements de la part des rĂ©sidents et rĂ©sidentes qui accueillaient cette luminositĂ© et cette chaleur joyeusement, ce ne fut pas le cas dans une de celles qui avait ses stores tirĂ©s au plus bas. Un lĂ©ger rayon de lumiĂšre rĂ©ussit Ă  se faufiler par un interstice et vint atterrir en douceur sur un visage qui se rĂ©veilla face Ă  l’intrusion sur ses paupiĂšres. Le jeune homme ouvrit ses yeux pour ensuite les refermer. Il rĂ©pĂ©ta cette opĂ©ration plusieurs fois, et Ă©mit un grognement. Ses multitudes de tĂąches de rousseur bougĂšrent lorsqu’il fronça son nez. C’est encore Maman qui est venue ouvrir mes volets pour me lever plus tĂŽt, j’y crois pas ! fut sa premiĂšre pensĂ©e. Cependant, alors qu’il voulut passer une de ses mains sur son visage et dans ses cheveux pour se rĂ©veiller, ou faire dĂ©guerpir ce rayon taquin de ses iris noisettes, il se heurta Ă  un mur. – Matthias ? chuchota une voix Ă  cĂŽtĂ© de lui. Son corps engourdi lui permit de tourner la tĂȘte pour poser ses yeux sur une ombre assise Ă  cĂŽtĂ© de lui. Ombre qu’il entendit se lever pour aller chasser cette lumiĂšre. AussitĂŽt le faible rayon aveuglant disparu, aussitĂŽt le roux allongĂ© de tout son long dans un lit blanc se rĂ©veilla vraiment. Il Ă©tait dans une chambre d’hĂŽpital, un pied en hauteur et un bras en Ă©charpe. – Tu veux boire un peu ? Les infirmiĂšres m’ont dit de te faire boire dĂšs que tu serais rĂ©veillĂ©. reprit la voix qui Ă©tait retournĂ©e Ă  sa place. Une paille en papier vint lui titiller les lĂšvres, et, passĂ© la premiĂšre gorgĂ©e, il but d’une traite sans respirer ce prĂ©cieux liquide rafraĂźchissant. Retenant un rot, il soupira d’aise. – Ça fait du bien par lĂ  oĂč ça passe. – Moi qui craignais que tes quelques cellules grises se soient fait exterminer
 Tu m’as fait une de ces peurs, tonto (1) ! s’énerva doucement le brun, encore sous le coup de l’émotion. – Et que me vaut ce doux nom, mi corazĂłn (2) ? Matthias n’avait aucune espĂšce d’idĂ©e de pourquoi il Ă©tait dans un lit avec une jambe suspendue comme ça et un bras qui le grattait affreusement mais dont la zone n’était pas vraiment atteignable. L’autre jeune homme se frotta les yeux puis prit gentiment la main valide du blessĂ©. Sur celle-ci aussi il avait l’air d’avoir quelques blessures, plus ou moins superficielles car pansements, bandage et filet pour maintenir tout ça lui faisaient comme une manche blanche. – Essaie de te rappeler, mi patata roja (3). Mercredi, hier, on avait rendez-vous
 oĂč ça ? – Euh
 le rouquin sembla hĂ©siter un instant, encore dans le pĂątĂ©, et puis : Ah oh je sais, au cinĂ©ma !– – ÂĄAlegrĂ­a ! ÂĄEn buena hora! No se convirtiĂł en otra persona. Y le quedan neuronas (4). – HĂ© ! Ça j’ai compris ! Je suis pas idiot non plus. J’ai juste
 mal Ă  la tĂȘte
 et au pied, Esteban. Le susnommĂ© s’excusa avant de passer sa main dans les cheveux de son petit copain en vrac. *18h45 – Alors en rĂ©sumé  Pour une fois, j’étais pas en tort sur mon scooter quand cette voiture m’est rentrĂ©e dedans ? – Non, j’ai tout vu, tu Ă©tais littĂ©ralement au bout de ma rue. C’est, tu sais, Hervé  – Ah oui, ton voisin qui passe son temps au bar. Et
 qui n’a normalement plus le permis ? – El mismo (5) ! Ma mĂšre l’avait dit qu’il provoquerait un accident, et voilĂ  oĂč on en est ! s’emporta Esteban en balançant ses jambes sous le lit. – Ça va, je suis en un seul morceau ! plaisanta l’hospitalisĂ©, malgrĂ© la gravitĂ© de la situation. – Menos mal (6)
 grommela le brun en tapotant sur l’écran de son portable. Tiens, ma mĂšre te passe le bonjour, zorrito (7). Elle passera peut-ĂȘtre demain. – Oh chic ! Dis-lui de me ramener des ensaimadas aussi. Allez steuplĂ© ! Esteban exagĂ©ra une fausse grimace d'exaspĂ©ration, laissant vite place Ă  un sourire scintillant ornĂ© de bagues dentaires. Ce dernier attrapa son sac au pied du lit, et dĂ©posa un baiser qui sentait bon le pamplemousse frais sur les lĂšvres de son rouquin qui, suffisamment rĂ©veillĂ©, commençait Ă  faire le pitre grimaçant, les antidouleurs Ă©tant en bout de course. Un ciao bye, un hasta mañana (8), et il quitta la chambre avant que le plĂątrĂ© immobilisĂ© pense Ă  demander dans quel Ă©tat Ă©tait son scooter chĂ©ri. (1) "Abruti" (2) "Mon cƓur" (3) "Ma patate rousse" (4) "Bravo ! A la bonne heure, il n’est pas devenu une autre personne. Et il lui reste des neurones." (5) "Celui-lĂ  mĂȘme !" (6) "Encore heureux" (7) "Renardeau" (8) "À demain"

  • Le Pacte des Enfers (1/2)

    PERSONNAGES OLYMPE, fille d’AtrĂ©e et GaĂŻa ATRÉE, mari de GaĂŻa et pĂšre d’Olympe GAÏA, femme d’AtrĂ©e et mĂšre d’Olympe BULMUR, oiseau dĂ©moniaque SAGA, divinitĂ© protectrice de la famille d’Olympe HADÈS, dieu et roi des Enfers SELKYRA, ensorceleuse personnelle d’HadĂšs CALOXIS, ensorceleuse personnelle d’HadĂšs GARDES ET SERVANTES D’HADÈS ACTE I ScĂšne 1 Dans la salle de rĂ©ception du foyer d’Olympe et AtrĂ©e, remplie d’invitĂ©s vĂȘtus de noir. Olympe se tient debout devant un micro placĂ© au centre d’une petite scĂšne. OLYMPE. Vous savez, quand j’étais petite je racontais une blague. Tout le temps. À tout le monde. C’est un cyclope qui se met Ă  pleurer parce qu’il a ratĂ© son maquillage. Et son ami, pour le consoler, lui dit : « T’inquiĂšte, mon frĂšre, personne va le remarquer ! » Dans l’assistance, quelques rires se font entendre et la plupart des invitĂ©s sourient. Bulmur entre et se pose discrĂštement sur un rebord de fenĂȘtre. OLYMPE. (Sourit) Ma mĂšre adorait que je lui raconte cette blague ; ça la faisait beaucoup rire. (Pause) Le temps passe vite. Ça fait dĂ©jĂ  un an qu’elle nous a quittĂ©s, et il ne se passe pas un jour, une heure, une minute sans qu’elle me manque... Mais je l’aimerai, pour toujours. En sa mĂ©moire, je ne peux plus que chĂ©rir mon pĂšre... Il a tellement souffert, lui aussi. Olympe s’écarte du micro pour laisser la place Ă  son pĂšre qui monte sur la petite scĂšne. Avant de prendre la parole, AtrĂ©e et Olympe s’étreignent. ATRÉE. (À Olympe) Merci, ma chĂ©rie. (Aux invitĂ©s) C’est vrai. GaĂŻa Ă©tait... (Bulmur l’écoute avec intĂ©rĂȘt) C’était une personne formidable, pleine de joie de vivre, d’amour... Il n’y avait pas plus loyale et altruiste qu’elle, mĂȘme si elle avait son petit caractĂšre... (Pause) Allez vivre avec un petit bout de femme qui vous embĂȘte pour une maison ragĂ©e d’alpha Ă  omĂ©ga ou pour une liste de courses triĂ©e par catĂ©gorie de rayons, et lĂ  vous me comprendrez ! Les invitĂ©s rient puis AtrĂ©e retrouve un ton sĂ©rieux. ATRÉE. Il y a des jours oĂč le vide qu’elle a laissĂ© est tellement bĂ©ant que je n’ai plus la force de rien, mĂȘme pas de m’occuper de ma propre fille. Si GaĂŻa Ă©tait encore en vie... (Il hĂ©site. Bulmur jubile) Non, ça n’a pas d’importance, tant que ma petite Olympe est lĂ . (Se tourne vers elle) Je ne sais pas ce que je ferais si je la perdais, elle aussi... Elle est la derniĂšre chose qu’il me reste. (Regarde Ă  nouveau les invitĂ©s) Merci Ă  tous d’ĂȘtre lĂ  ce soir. Olympe et AtrĂ©e quittent ensemble la petite scĂšne et se mĂȘlent aux invitĂ©s. Des serveurs proposent de la nourriture Ă  Olympe, mais cette derniĂšre n’ayant pas faim refuse poliment et se dirige Ă  l’extĂ©rieur de la maison, suivie de Bulmur. ScĂšne 2 Dehors, Olympe prend une bouffĂ©e d’air frais. Elle s’apprĂȘte ensuite Ă  entrer dans le temple de Saga, quand Bulmur se pose sur son Ă©paule. BULMUR. Bonjour, belle Olympe. OLYMPE. (ÉmerveillĂ©e) Oh, quel bel oiseau ! Qu’est-ce que tu fais ici, mon joli ? BULMUR. Cela n’a pas d’importance, je suis lĂ  pour vous aider, toi et ton pĂšre. Ça doit ĂȘtre tellement dur de perdre sa mĂšre... OLYMPE. Oui, c’est trĂšs douloureux... MĂȘme si on finit par vivre avec... Tu dis que tu peux nous aider, petit oiseau ? BULMUR. Tu aimerais revoir ta maman, n’est-ce pas ? OLYMPE. Oh, oui... Mais c’est impossible. BULMUR. DĂ©trompe-toi, belle Olympe ! Ta mĂšre se trouve dans les Enfers, le royaume des morts, et il se trouve loin sous nos pieds ! OLYMPE. Je le sais, mais on ne peut pas ramener un mort dans le monde des vivants... BULMUR. Et si je te disais que je connaissais un moyen... Accepterais-tu de me suivre ? OLYMPE. Tu dis rĂ©ellement la vĂ©ritĂ©, petit oiseau ? BULMUR. Oui, suis-moi belle Olympe... Suis-moi, et je te mĂšnerai vers l’objet de ton dĂ©sir le plus profond ! Une lumiĂšre gigantesque jaillit soudain de la statue de la divinitĂ©, au fond du temple, et fait peur Ă  Bulmur qui s’envole. Olympe se prĂ©cipite Ă  l’intĂ©rieur du temple. ScĂšne 3 Le corps de Saga se matĂ©rialise sous les yeux d’Olympe, qui la salue d’une rĂ©vĂ©rence. OLYMPE. Ô notre divination, Saga aux mots sages ! SAGA. Malheureuse, mĂ©fie-toi donc de cet oiseau ! OLYMPE. Pourquoi cela, vĂ©nĂ©rable Saga ? SAGA. Ne crois pas toutes les belles paroles qui sortent de ce bec, mon enfant. Cette espĂšce attire bien des inconscients avec leur chant illusoire. OLYMPE. L’oiseau m’a dit qu’il existait un moyen de ramener un Mort des Enfers. Est-ce cette illusion-lĂ  contre laquelle vous me mettez en garde, honorable Saga ? SAGA. Non, mon enfant, ces propos sont bien vĂ©ridiques. Rends-toi Ă  la porte des Enfers au cap TĂ©nare, en Laconie, et trouve un moyen de charmer CerbĂšre, Charon et les trois Érinyes. Ensuite, demande audience Ă  HadĂšs. Ce sera Ă  lui de dĂ©cider s’il accepte de t’aider ou non. OLYMPE. Merci, noble Saga. Vous m’ĂȘtes Ă  nouveau d’une aide prĂ©cieuse. SAGA. Je me dois de rĂ©compenser les fidĂšles qui me sont le plus assidus. Qui souhaites-tu ramener d’entre les Morts ? OLYMPE. Ma mĂšre, honorable Saga. SAGA. Je vois. Tu apprendras que ce que tu t’apprĂȘtes Ă  faire n’est possible qu’à partir du premier anniversaire de la mort de quelqu’un et que c’est une action unique. OLYMPE. Qu’est-ce que vous entendez par lĂ , vĂ©nĂ©rable Saga ? SAGA. Eh bien, cela signifie qu’une fois ta mĂšre revenue parmi les Vivants, si une quelconque raison la pousse Ă  retourner aux Enfers, il ne lui sera plus jamais possible de les quitter. Suis-je claire ? OLYMPE. Limpide, votre divination ! SAGA. Encore une chose, mon enfant : si tu ne vois pas ton dĂ©sir s’accomplir, souviens-toi que les cordes de la rĂ©alitĂ© ne sont jamais loin du problĂšme. OLYMPE. Les cordes de la rĂ©alitĂ© ? SAGA. (DisparaĂźt) Tu comprendras en temps voulu, mon enfant, je le sais. OLYMPE. Que les Dieux vous recueillent, ĂŽ Saga aux mots sages. Olympe sort du temple de Saga. ScĂšne 4 Olympe s’apprĂȘte Ă  rentrer dans son foyer lorsque que Bulmur se pose, Ă  nouveau, sur son Ă©paule. BULMUR. Alors, belle Olympe... T’es-tu dĂ©cidĂ©e Ă  me suivre ? OLYMPE. (MĂ©fiante) Qu’est-ce qui me dit que tu ne m’attires pas dans un piĂšge, crĂ©ature ? BULMUR. Voyons, belle Olympe... N’ai-je pas apportĂ© de solution Ă  tes maux ? OLYMPE. Oui... C’est vrai. BULMUR. Et n’ai-je pas Ă©tĂ© honnĂȘte quant au possible rapatriement de ta mĂšre parmi les vivants ? OLYMPE. LĂ  encore, tu as raison. BULMUR. Tu vois ! Maintenant, belle Olympe, ne penses-tu pas qu’il est temps de te rendre aux Enfers avec moi ? OLYMPE. Certes, tu as vu juste sur ma peine et tu m’as mise sur le chemin des Enfers. Seulement je ne peux pas m’empĂȘcher de me demander... Pourquoi ? BULMUR. Je te l’ai dit : je suis lĂ  pour vous aider. OLYMPE. Mais toi, qu’y gagnes-tu ? BULMUR. Ah, tu me perces Ă  jour... TrĂšs bien ! Je vais te le dire... Je connaissais GaĂŻa avant sa mort. Nous Ă©tions trĂšs proches... Je veux la revoir tout autant que toi. OLYMPE. (OffusquĂ©e) Tu mens ! Ma mĂšre et moi nous confiions tout, et elle ne m’a certainement pas parlĂ© de toi ! Va-t’en, volatile de malheur ! Je n’ai pas besoin de toi pour aller chercher ma mĂšre ! BULMUR. Si ! Je te suis indispensable, belle Olympe ! Comment vas-tu traverser les trois obstacles qui t’empĂȘcheront d’accĂ©der aux Enfers, sinon ?! OLYMPE. Je trouverai quelque chose ! BULMUR. (Insistant) Je peux t’ĂȘtre utile, vraiment ! Mon chant peut charmer n’importe quelle crĂ©ature, tu seras dĂ©jĂ  loin quand elles rĂ©Ă©mergeront ! Olympe s’apprĂȘte Ă  lui rĂ©pondre, mais des bruits de pas font s’envoler Bulmur. AtrĂ©e sort du foyer. ATRÉE. Tout va bien, ma chĂ©rie ? Ça fait longtemps que tu es partie... OLYMPE. (Encore dĂ©stabilisĂ©e par sa dispute avec Bulmur) Oui, oui... Ne t’inquiĂšte pas. Je suis allĂ©e prier pour maman. ATRÉE. D’accord. C’est bien ma chĂ©rie, ton assiduitĂ© est exemplaire. Ta mĂšre serait fiĂšre de toi... OLYMPE. (HĂ©site) Papa ? Je... Je vais partir quelque temps. ATRÉE. Comment ? Mais oĂč ça ? OLYMPE. Je ne peux pas te le dire. Mais ne t’inquiĂšte pas, je serai prudente, promis. ATRÉE. Tu reviendras ? OLYMPE. Oui, avec une surprise... AtrĂ©e prend sa fille dans ses bras en guise d’au revoir et dĂ©pose un baiser sur le front d’Olympe. La jeune femme s’éloigne pendant qu’AtrĂ©e regagne le foyer et les invitĂ©s. Bulmur sort de sa cachette et rejoint Olympe. À suivre...

  • Pierre

    (À Jeanne
) Pierre avait rencontrĂ© Jeanne en TP de physique chimie, entre eux si on peut dire ça avait Ă©tĂ© l’alchimie. Ils dissĂ©quaient une grenouille. Bizarrement ce qui aurait dĂ» ĂȘtre un peu repoussant avait Ă©tĂ© on ne peut plus rĂ©jouissant. Pour la premiĂšre fois ils s’étaient adressĂ© la parole. Tandis qu’ils se regardaient droit dans les yeux, les nerfs de la grenouille bougeaient. Ses pattes tout comme leur petit cƓur tressautaient. Ils n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, leur regard suffisait. Des papillons semblaient s’échapper en nuĂ©es de leur bouche Ă  chaque respiration. Son binĂŽme habituel avait Ă©tĂ© dissous de force par le professeur car ils chahutaient trop au fond de la classe, prĂšs du radiateur et de la fenĂȘtre, ce qui empĂȘchait ce dernier ainsi que toute la classe de se concentrer. D’ailleurs Antoine avait Ă©tĂ© renvoyĂ© du cours manu militari du fait d’une trop grande insolence qui n’avait pas plu au professeur. Il faut dire que Monsieur Dugenoux Ă©tait de l’ancienne Ă©cole, la barbe longue et grise, les tempes poivre et sel. Le regard noir. Le front large et ridĂ©. Il Ă©tait sĂ©vĂšre mais juste. Et quand il avait quelqu’un dans le collimateur il notait en consĂ©quence sans mĂȘme prendre le temps d’ouvrir sa copie. Peu importe qu’il rĂ©ponde juste ou faux Ă  toutes les questions posĂ©es. Il exerçait son pouvoir autocratique comme bon lui semblait. De façon totalement arbitraire et despotique. Malheur Ă  celui qui lui en faisait la rĂ©flexion. Du reste Pierre ne pouvait pas le piffrer, pour les mĂȘmes choses expliquĂ©es plus haut. Il ne comprenait rien Ă  la physique chimie, les grandes formules de l’existence, les thĂ©ories, les opposĂ©s qui s’attirent ou qui au contraire se repoussent. Quoique dĂ©sormais il commença grĂące Ă  Jeanne Ă  en comprendre quelque peu les grandes lignes. Elle n’était pas particuliĂšrement jolie, les cheveux longs et blonds, des lunettes d’intello, du genre premiĂšre de la classe. Du reste elle ne devait pas en ĂȘtre trĂšs loin. SĂ©rieuse et assidue, personne n’avait osĂ© jusqu’à prĂ©sent s’asseoir Ă  cĂŽtĂ© d’elle. Il avait fallu que Monsieur Dugenoux fasse des siennes et provoque cette petite Ă©tincelle du destin bien involontairement. Issue d’un milieu bourgeois, elle portait toujours des vĂȘtements amples pour dissimuler ses formes naissantes. Pierre quant Ă  lui Ă©tait tout le contraire, qu’un pĂąle reflet de Jeanne dans le miroir, Ă  l’exact opposĂ© de l’idĂ©al de l’homme et de l’amour qu’elle espĂ©rait secrĂštement depuis toujours. Mauvais garçon, pas trĂšs bon Ă  l’école pour ne pas dire cancre, du genre mauvaise frĂ©quentation. Blouson en cuir, gel dans les cheveux qu’il tirait toujours en arriĂšre. Des origines italiennes de par sa mĂšre. Pourtant ce matin leur route s’était croisĂ©e. Il fallait voir ça comme un signe. Pierre posa une main en douceur et moite sur celle longiligne de Jeanne. Elle ne la retira pas, sembla presque gĂȘnĂ©e. Ses joues s’empourpraient, tandis que Pierre la dĂ©visageait
 La voix de Monsieur Dugenoux semblait lointaine Ă  prĂ©sent, trĂšs lointaine, presque aĂ©rienne. Les mots se mĂ©langeaient, les sons. Pierre et Jeanne entendaient seulement leur cƓur qui tapait furieusement dans leur poitrine et semblait affecter leur respiration. Enfin la cloche de l’école sonna la fin du cours et la rĂ©crĂ©ation. Sans dire mots, ils rangĂšrent leurs affaires chacun de leur cĂŽtĂ©. Ils prirent deux directions opposĂ©es. Comme pour mieux montrer Ă  l’autre que tout ce qui s’était passĂ© leur dĂ©plaisait. Le cours pourtant leur avait paru agrĂ©able et ils auraient bien voulu prolonger ce moment. Seulement leur timiditĂ© prit le dessus et le pas sur tout le reste. Du reste ils Ă©taient face au tout premier Ă©moi de leur cƓur ne sachant trop que faire, et qui Ă©couter. Plusieurs voix entraient en contradiction en eux. Jeanne se dit qu’il serait inconvenant de faire le premier pas bien qu’elle souhaita que Pierre fasse preuve d’un peu plus d’initiatives, et qu’il se comporte en gentleman. Bien sĂ»r elle frissonna quand il lui prit la main et elle aurait souhaitĂ© que cet instant ne s’arrĂȘte jamais. Il avait la main chaude et rassurante. Elle se sentait totalement en sĂ©curitĂ©. Ce qui avait pour effet de bousculer Ă  la fois et ses sentiments et ses projets de vie qu’elle avait posĂ©s noir sur blanc sur son journal intime chaque soir. Un riche mĂ©decin rencontrĂ© sur les bancs de la fac de mĂ©decine. Sa vie Ă©tait toute tracĂ©e, comme les lignes courbes et silencieuses qui Ă©taient dessinĂ©es dans le creux de ses mains. Dans l’idĂ©al c’était exactement ce dont elle rĂȘvait. Un chat, un chien, un fils ; une belle maison. Ses parents n’auraient de toute façon jamais tolĂ©rĂ© un mari de basse extraction... Antoine revint l’air dĂ©confit, le proviseur lui avait mis trois jours de mise Ă  pied, cette exclusion Ă©tait la troisiĂšme cette semaine. C’était la petite goutte qui faisait dĂ©border le vase. Le mot de trop dans son cahier de liaison. Pierre le prit alors dans ses bras pour le rassurer au mieux : « la chance ! » qu’il lui dit, « tu vas avoir trois jours de vacances ! », tandis qu’intĂ©rieurement il savourait secrĂštement cet Ă©vĂ©nement. La journĂ©e finit enfin. Pierre fit dĂ©marrer son scooter, perdu dans ses pensĂ©es qu’il avait pour le reste heureuses. Il rentra chez lui, se gara en bas de l’immeuble et alluma nerveusement une clope qu’il fuma pour se dĂ©tendre en exhalant dans l’air froid de l’hiver des volutes blanches de fumĂ©e qui avaient des faux airs de fantĂŽme ; prenant un malin plaisir Ă  prendre son apparence Ă  elle : Jeanne. Le soir avec sa mĂšre, tandis qu’ils mangeaient et que son pĂšre Ă©tait encore au travail Ă  l’usine, il ne toucha pas Ă  son assiette. Il avait perdu l’appĂ©tit. La gorge nouĂ©e, l’estomac serrĂ©. Des nƓuds au ventre lui faisaient des coassements de crapaud se prĂ©lassant dans un marais profond et attendant bien sagement qu’une princesse hypothĂ©tique daigne lui rendre visite. Sa mĂšre en bonne Italienne ne lui posa pas de questions et lui glissa un baiser furtif au front pour mieux s’assurer qu’il n’avait pas de fiĂšvre tout en lui passant une main bienveillante dans les cheveux. Pierre lui dit alors bonne nuit. Il voulait accĂ©lĂ©rer les heures et la nuit, les jours, les semaines, la revoir. Lui prendre Ă  nouveau la main. Il se lava les dents, tout en crachant du sang, le regard perdu dans le vague. La nuit fut agitĂ©e et presque sans rĂȘves, puisque des cauchemars l’animaient ; il voyait devant ses yeux des grenouilles dĂ©nudĂ©es qui dansaient la gigue au son endiablĂ© des violons. Il se rĂ©veilla en sursaut plusieurs fois. Le lendemain au collĂšge il ne la croisa pas. Il fit tout son possible du reste pour ne pas avoir Ă  la croiser. Celle qui dĂ©sormais hantait ses nuits et ses moindres pensĂ©es. Il ne savait pas au juste comment l’en faire sortir. AprĂšs tout, le seul moyen de lutter contre la tentation c’est d’y cĂ©der. Il avait lu cela quelque part en cours de français. Bien qu’il en oublia le nom obscur de l’auteur
 Quelques jours passĂšrent ainsi, Ă  jouer Ă  cache-cache bien qu’en vĂ©ritĂ© l’un comme l’autre auraient plutĂŽt souhaitĂ© jouer Ă  d’autres jeux
 Enfin une semaine s’était Ă©coulĂ©e. Vint le cours tant attendu de physique chimie. Sans dire mot, Pierre prit l’ascendant sur sa propre timiditĂ© et s’assit de lui-mĂȘme prĂšs de Jeanne. Elle en fut heureuse, puisqu’à dire vrai elle traversait les mĂȘmes Ă©mois et nuits blanches hantĂ©es par l’esprit de l’autre. Leurs yeux se dirent bonjour de nouveau, comme s’ils ne s’étaient jamais quittĂ©s et n’avaient pas fini de se dĂ©visager voire mĂȘme de s’envisager. Le temps suspendait son vol, les secondes s’arrĂȘtĂšrent alors et ils remontĂšrent le fil du temps. Un ange passait en slow motion en tirant sur eux des flĂšches que Cupidon lui-mĂȘme avaient forgĂ©es. La flamme brĂ»lait dans leurs yeux ou bien Ă©taient-ce des Ă©toiles filantes qui laissaient sur leurs passages des poussiĂšres d’étoiles incandescentes. De façon plus rationnelle il s’agissait plutĂŽt de la flamme du Bec Bunsen allumĂ©e sous le tube Ă  essai qu’ils tenaient fermement en Ă©quilibre avec des pincettes ignifugĂ©es. La composition bleue virait au rouge, tous les composants chimiques se mĂ©langĂšrent l’un Ă  l’autre ; tandis que dans les yeux de Pierre et de Jeanne leur apparaissait soudain l’explication, comme une Ă©vidence. Ils s’étaient trouvĂ©s. Pierre lui fit un grand sourire, elle le lui rendit. Le soir venu lorsque le collĂšge ferma ses lourdes portes en fer, il proposa de la ramener chez elle. Presque instinctivement elle rĂ©pondit par l’affirmative. Sans hĂ©sitation aucune, elle ne pensait qu’à ce moment magique oĂč elle pourrait lui passer les bras autour de la taille, collĂ©e Ă  lui, Ă  quelques centimĂštres de lui ; jusqu’à pouvoir entendre sa respiration. Comme Pierre n’avait qu’un casque il offrit le sien Ă  Jeanne de façon chevaleresque. Elle en fut trĂšs heureuse. Le cheval vrombit et ils partirent vers de nouvelles aventures. La Lune jeta sur eux des yeux complaisants. Les premiers flocons de neige tombĂšrent alors dans la dure nuit de novembre. Ils s’arrĂȘtĂšrent alors en haut d’une colline abrupte pour en admirer le spectacle. Main dans la main, le blouson en cuir noir de Pierre jetĂ© sur les frĂȘles Ă©paules de Jeanne. Il la protĂ©gerait toute sa vie comme l’on chĂ©rit sa patrie. Elle lui ferait des enfants et lui serait toujours fidĂšle. Peu importe les diffĂ©rences, la condition sociale ou mĂȘme leur niveau d’intelligence. Ils s’uniraient devant Dieu et vivraient en bonne intelligence. L’électricitĂ© dans un circuit fermĂ© passe de la borne plus Ă  la borne moins, ou bien est-ce l’inverse, les opposĂ©s s’attirent il est vrai. C’est le sens de toute vie et surtout la loi physique de la FĂ©e Ă©lectricitĂ©. Pierre avait trouvĂ© sa princesse et la femme de sa vie, il se transformerait en un prince charmant Ă  n’en pas douter, se rangerait des voitures et de ses mauvaises frĂ©quentations rien que pour ses beaux yeux bleus et pour la voir heureuse. Il avait trouvĂ© sa raison de vivre. Jeanne quant Ă  elle avait enfin trouvĂ© sa pierre philosophale qui lui permettrait de changer en or les pauvres petits cailloux de son existence qu’elle s’était elle-mĂȘme amusĂ©e Ă  semer en chemin ! Ils vĂ©curent heureux et trĂšs longtemps, se mariĂšrent et eurent de nombreux enfants et petits-enfants. Pour une fois dans mon histoire c’est une happy-end comme une sorte de conte de fĂ©e, mais sans monstres et sans dragons ou bien mĂ©chantes sorciĂšres. Ni ogres, ni mĂ©chants. Cet homme et cette femme c’est toi et c’est moi. Cette jolie histoire pour enfants, il s’agit de nous, de notre vie, et je me rappelle toutes les belles promesses que l’on s’était faites devant Dieu nous aussi, et auxquelles nous n’avons jamais manquĂ©es, jusqu’à fĂȘter ce mois-ci nos noces d’or, nos cinquante annĂ©es de mariage passĂ©es ensemble ma Jeanne ! Quand je repense Ă  tout ça je me dis qu’au fond l’amour ce n’est qu’une bĂȘte histoire d’alchimie. De fluide, d’attirance et d’hormones qui se diffusent dans l’air, comme des particules Ă©lĂ©mentaires de nous-mĂȘmes. Les mains se cherchent, les opposĂ©s s’attirent, nos vies se mĂ©langent et nos corps s’unissent, se rĂ©unissent. S’imbriquent l’un dans l’autre pour ne faire plus qu’un. Comme le noir du Yin se mĂ©lange au blanc du Yang et inversement, comme la partie manquante d’un seul et mĂȘme puzzle...

  • Le Sorcier de Babylone

    RĂ©Ă©crire la microfiction Babylone de RĂ©gis Jauffret (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) Mon nom est Wilhem Weschler, dit Wilhem Blacksmith, Ă  cause de mon savoir, qui fait de moi le forgeron des jeunes Ă©tudiants que je forme chaque annĂ©e. Je me suis spĂ©cialisĂ© dans l’occultisme, et cela ne date pas d’hier. VoilĂ  trente longues annĂ©es que j’enseigne six fois par semaines diverses sciences, comme la golĂ©mologie, l’alchimie ou encore l’anatomie des crĂ©atures fantastiques. Je suis ce que l’on pourrait appeler un sorcier, un ĂȘtre dĂ©vouĂ© corps et Ăąmes Ă  mon travail, j’en veux pour preuve la cage Ă©sotĂ©rique que je porte en permanence autour du crĂąne pour me protĂ©ger du regard des divinitĂ©s occultes. Vous vous dites sĂ»rement que je suis fou Ă  lier, dangereux pour la sociĂ©tĂ© ; vous n’auriez pas forcĂ©ment tort. Mais il y a pire que moi, plus terrible et insidieux. Je parle de la ville la plus crasseuse, la plus cruelle, la plus sadique de la planĂšte, la Babylone des temps modernes, je veux bien sĂ»r parler de Londres. J’y suis arrivĂ© en 1882, j’avais Ă  peine dix-sept ans, pour Ă©tudier les sciences naturelles. Ma mĂšre, de confession juive, ce qui faisait de moi un juif Ă©galement, voulait pour ma personne le plus brillant des avenirs. Je n’ai jamais trop cru en la religion, et nous n’étions que trĂšs peu pratiquant dans ma famille, ce qui n’allait donc pas me poser problĂšme lorsque ma destinĂ©e se rĂ©alisa. Une nuit plus agitĂ©e que les autres, je me promenais dans l’AcadĂ©mie de philosophie naturelle, oĂč j’étudiais alors le fonctionnement du corps humain. LĂ , je me cognais par mĂ©garde Ă  la statue d’ange qui dĂ©corait le centre de la cour de l’acadĂ©mie. Alors par pur hasard, je me rattrapais au bras de la figure de pierre et fit pivoter son membre. AussitĂŽt, les pavĂ©s s’ouvrirent en deux et me laissĂšrent admirer les entrailles de la ville. Un air fĂ©tide me prit au nez, et il me fallut bien plusieurs minutes pour m’y habituer. Je restais lĂ  en attendant que quelque chose se produise. Le mĂ©tro de Londres ne passait pas par cet endroit, je le savais de sources sĂ»res. AussitĂŽt cette rĂ©vĂ©lation apparue dans mon crĂąne, comme un papillon de nuit est irrĂ©mĂ©diablement attirĂ© par la lueur d’une lampe Ă  huile, je fus aspirĂ© par les noirs couloirs qui me faisaient face. Je m’y enfonçais comme un enfant inconscient dans les bois, et me perdais pendant presque vingt-quatre heures. Je trouvais la fameuse cage que j’arbore encore aujourd’hui au fond d’une piĂšce vide. Je me la vissais sur ma tĂȘte, convaincu je ne sais trop comment que c’était la meilleure des choses Ă  faire avec un tel instrument, qui semblait de surcroĂźt fait exprĂšs pour cet usage. Je ressortais tardivement de ma visite inopinĂ©e, et commença Ă  songer qu’il fallait utiliser ces souterrains pour en faire quelque chose de grandiose. De lĂ  naquit l’AcadĂ©mie d’Occultisme et de Magie noire, dont je suis le plus Ă©minent professeur. Ne croyez pas que cette visite fut ordinaire pour moi. Je pĂ©nĂ©trais au plus profond de Babylone, et en ressortis transformĂ©, comme la chenille devient papillon une fois le moment venu. Mon heure Ă  moi Ă©tait arrivĂ©e. De Londres, un sorcier venait de naĂźtre.

  • Nature Morte

    RĂ©Ă©crire la microfiction Slogans de David Thomas (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) Le vent souffle dans les hautes structures en bĂ©ton, abandonnĂ©es depuis longtemps. Il siffle et joue avec les matĂ©riaux. Les fait rĂ©sonner, tinter, vibrer, glisser. Quelques pages d’un magazine abandonnĂ© tournent, dansent, accompagnĂ©es par la main d’Eole. Mais en ce monde-ci, il n’y a plus de dieux, ni de Dieu. Il n’y a plus rien de saint ni de profane. Il n’y a que la voix du vent. Et ses mots silencieux sonnent dans les espaces vides. Il n’y a plus de livres. Enfin, si, peut-ĂȘtre. Les vestiges du Monde d’Avant ont Ă©tĂ© Ă©parpillĂ©s. Et puis, Ă  part pour servir de matĂ©riel de chauffage, ou de torche cul, un livre ne sert pas Ă  grand-chose. Le savoir et la fiction ne servent Ă  rien dans un monde en perdition, oĂč les gens ont faim, ont peur. Et, il remonte maintenant Ă  loin, le temps oĂč l’on utilisait les mots et verbes pour conter mille histoires, toutes plus fantastiques et irrĂ©elles. Ce monde-ci pourtant est bien rĂ©el. Pas de fiction. Il n’y a plus de livre, plus d’histoire, ni mĂȘme d’Histoire. C’est peut-ĂȘtre ce qui a brĂ»lĂ© en premier. AprĂšs les livres de blagues potaches, les manuels pour les nuls, les catalogues de meubles et de lingerie. Il n’y avait de tout de façon plus assez de monde pour s’opposer Ă  leur disparition. Les mots et images du passĂ© se sont donc Ă©vanouis dans l’indiffĂ©rence presque totale. Les bouches parlĂšrent, les mĂ©moires se souvenaient. Mais le temps passa. Impitoyable. CinquiĂšme cavalier de l’Apocalypse, raflant les langues et les cerveaux. Les gĂ©nĂ©rations passĂšrent. Tout s’oublia. On oublia le Grand Changement, la Fin des Temps Connus, le Bug de l’An ____, le grand Blip, le Nuage Noir
 Quel que soit le nom que les Ăąmes restantes lui aient donnĂ©. Certaines chansons persistĂšrent, certains secrets de papiers, certains savoirs de lettres, survivĂšrent. MĂȘme si rien n’était plus comme avant. Mais qui allait s’en prĂ©occuper. Il fallait survivre dans ce monde post-apocalyptique, il fallait chasser, cultiver, construire, Ă©chapper aux dangers. Grandir dans cet environnement et dans la continuitĂ© de la lignĂ©e de survivants qui laissait des sĂ©quelles sur les mĂ©moires, des traumatismes sur les esprits. C’est dans ce monde qu’aucun mot de maintenant ne peut dĂ©crire, car le savoir a depuis longtemps Ă©tĂ© perdu, oubliĂ©, mĂąchĂ©, avalĂ©, digĂ©rĂ©, anĂ©anti, que j’ai Ă©voluĂ©. Mon petit clan vivait de peu et se faisait petit dans les sous-sols creusĂ©s. CavitĂ©s grattĂ©es par mes ancĂȘtres et d’autres. C’est dans cette famille que l’on apprenait, le visage Ă©clairĂ© par des feux, le PassĂ©. Les LĂ©gendes. Les Histoires. EffrayĂ©s d’entendre ces histoires, comme les carcasses de fer rouillĂ©es envahies de plantes grimpantes qui avançaient et faisaient du bruit et qui transportaient des gens, comme les cadres qui affichaient des dessins mais en mieux que ceux fait avec la cendre et les fleurs Ă©crasĂ©es et qui pouvaient bouger, enfants, nous prĂ©fĂ©rions les chansons. Les Anciens, descendants Ă©loignĂ©s des Grands Anciens du PassĂ©, ressortaient ce qu’ils appelaient instruments. Et jouaient. C’était plaisant. Plus plaisant que les contes. Lors d’une sortie, j’étais parti plus loin que d’habitude. Le silence Ă©tait de mise. Aussi bien le monde extĂ©rieur que nous. Nous chassions, pas l’inverse. J’étais parti vers le centre. LĂ  oĂč le sol modifiĂ© et craquelĂ© menait. Serpentant au milieu de tours, de mĂ©taux, de vĂ©gĂ©tation engloutissant les structures. Avant, les Anciens disaient que les gangs et les mercenaires y avaient leur repaire, mais ils avaient dĂ©sertĂ© et s'Ă©taient installĂ©s comme tout le monde pour devenir des cultivateurs et chasseurs. Pilleurs aussi quelques fois, mĂȘme si l’énergie les avait dĂ©sertĂ©es. Tout comme la nature, drainĂ©e jusqu’à la derniĂšre goutte de son suc naturel et nourricier. La terre Ă©tait pauvre et malade. Nous aussi. Dans ce centre, je trouvais des trĂ©sors de papiers. J’avais eu le privilĂšge d’apprendre Ă  lire, savoir qui peinait Ă  perdurer dans ma famille. Pas utile. C’est ce jour-lĂ  que je trouvai un morceau de feuille colorĂ©e, mais dĂ©chirĂ©e, moisie sur les trois-quarts. Je pouvais lire sans comprendre les symboles dĂ©lavĂ©s devant moi. J’osai un soupir, cru qu’il rĂ©sonna dans la grande structure et je repartis, dĂ©sintĂ©ressĂ© du morceau d’Histoire que j’avais tenu entre mes mains. Ça ne se mangeait pas. Ce n’était donc pas important. « When we were young we used to say That you only hear the music when your heart begins to break »

  • Coupez ! Mais pas dĂ©calĂ©...

    Attention OVNI ! Objet visuel non identifiĂ© s’il en est, Coupez ! le dernier film de Michel Hazanavicius est pour le moins dĂ©routant. Pour info, il s’agit d’une adaptation d’un film japonais Ne coupez pas ! Du rĂ©alisateur Shin'ichirĂŽ Ueda sorti en 2017 et qui signe l’un des plus gros succĂšs commerciaux du film indĂ©pendant au pays du soleil levant. Rien que ça ! Film de genre, Ă  savoir de sĂ©rie Z, le film oscille Ă  la fois entre la parodie, le remake et la comĂ©die. Il y a par ailleurs plusieurs grilles de lecture possibles, mais aussi plusieurs niveaux d’analyse. D’une part la reprise ratĂ©e d’un film japonais qui a bien marchĂ©, narrant l’histoire d’un tournage de film zombies camĂ©ra au poing et en direct qui se voit contrariĂ© par l’arrivĂ©e de vĂ©ritables zombies. D’autre part, d’un film dans le film, puisque la version française reprend le jeu initial des acteurs japonais avec des noms de fait japonisants (ce qui induit une distance comique car ces prĂ©noms apparaissent alors fortement ridicules pour des EuropĂ©ens), et aussi un certain recul par rapport Ă  tout ça. Et donc de fait, un film Ă  prendre au second degrĂ©. Enfin, troisiĂšme niveau de lecture possible et donc a fortiori troisiĂšme ou quatriĂšme degrĂ© d’interprĂ©tation : un film dans le film qui reprend lui-mĂȘme un film ayant dĂ©jĂ  existĂ© et qui parlait de l’histoire du tournage d’un film. Ouf ! Je ne sais pas si vous m’avez bien suivi jusqu’à lĂ  ou si je vous ai perdus en cours de route. De fait, un peu dĂ©boussolĂ© pour ma part, ne sachant pas trop Ă  quoi m’attendre, j’ai Ă©tĂ© dans un premier temps moi aussi pas mal dĂ©sarçonnĂ© devant ce film Ă©questre-zombiesque. Et je n’ai pas Ă©tĂ© le seul il est vrai ! Puisque nous Ă©tions deux dans la salle et que, ĂŽ joie suprĂȘme, la dame d’un certain Ăąge au premier rang, qui partageait avec moi l’espace, a dĂ©cidĂ© ni plus ni moins de foutre le camp. Me laissant seul face Ă  mon dĂ©sarroi. Ce qui est d’autant plus plaisant car de fait, j’avais la salle pour moi tout seul (ce qui est chose rare en matiĂšre de cinĂ©ma). Sauf que ; un miracle se produisit, devant le navet pressenti (moi qui pourtant suis fan de films de zombies), passĂ© devant l’hĂ©bĂ©tement et je dirais mĂȘme l’hĂ©bĂ©tude du navet volontairement mauvais et niais. Pour ne pas dire, complĂštement sonnĂ© et groggy sur place, la deuxiĂšme partie du film se met alors en place. Et c’est d’autant plus jouissif, car si on rit jaune lors de la premiĂšre demi-heure, tout s’explique dans l’heure suivante et nous prĂȘte Ă  rire de bon cƓur. On en rit d’autant plus facilement et sans retenue que nous sommes seul en salle aprĂšs avoir bien involontairement privatisĂ© le cinĂ©ma ! Romain Duris et BĂ©rĂ©nice Bejot sont au poil, volontairement mauvais, et particuliĂšrement bons. Il en est de mĂȘme de tout le casting. Et le film nanar que nous avions jugĂ© navet au prime abord prend alors tout son essor, jusqu’à en devenir un grand moment de cinĂ©ma. Bien sĂ»r, rien Ă  voir avec Shaun of the Dead, un modĂšle du genre de la comĂ©die zombies. Mais quand mĂȘme, passĂ©e la surprise, je me suis rĂ©joui d’ĂȘtre restĂ© dans mon fauteuil alors que pourtant une petite voix intĂ©rieure insidieuse me disait de m’en aller. Pour rĂ©sumer, un film que je ne vous conseillerais que trop d’aller visualiser. Pour peu que vous soyez patients, et passiez les premiers instants dĂ©plaisants du film, entre hĂ©moglobine abondante et gratuite et jeu des acteurs apocalyptiques dignes des plus mauvais films de sĂ©rie B, vous pourrez alors apprĂ©cier tout le message cachĂ© du film Ă  l’intĂ©rieur du film, lui-mĂȘme engoncĂ© dans un film qui parlait d’un tournage d’un film. Bref une belle collection de matriochkas « japono-japonisantes » (je me permets ce clin d’Ɠil Ă  RĂ©mi, jouĂ© par Romain Duris) ou plutĂŽt devrais-je dire nippon-françaises, ou plutĂŽt franco-japonaises. Bref, un film dans le film avec les coulisses d’un tournage de film qui court droit Ă  la catastrophe, mais dont le dĂ©calage nous fait voir l’envers du dĂ©cor. Ce qui aprĂšs tout, est assez rare pour ĂȘtre soulignĂ©. Dans une sorte de mise en abyme cinĂ©matographique on ne peut plus jouissif !

  • À vendre

    Écrire une microfiction Ă  partir de l’affiche “Ils ont vu cela !” du premier numĂ©ro de la revue L’amour, dirigĂ©e par FrĂ©dĂ©ric Pajak (consigne de Mme Milena MikhaĂŻlova) – Mais enfin Margaret, attendez
 – Ah non ! Je vous jure, et je le jure devant Dieu, qu’ils vont m’entendre cette fois-ci les gamins. Et hors de question que les parents les excusent ! Parce que ce n’était pas la premiĂšre fois que les enfants du voisinage venaient jouer dans l’arriĂšre-cour de la maison abandonnĂ©e, dont le panneau ‘A vendre‘ sur la devanture Ă©tait mi-taguĂ©, mi-dĂ©truit, voisine de celle de notre bonne Margaret. Phil, sa petite chienne Jocelyne dans les bras, peinait Ă  suivre son amie de commĂ©rage, l’une des seules qu’il supportait, voire apprĂ©ciait, dans ce quartier amĂ©ricain tranquille. Toutes les maisons Ă©taient belles, brillaient, avaient un beau gazon bien entretenu et des parterres bien arrosĂ©s. C’était d’ailleurs ce qu’était en train de faire notre protagoniste maintenant en pĂ©tard, les pans de son gilet Ă  motif se prenant dans les branchages dĂ©crĂ©pis des buissons morts, avant de recevoir la visite de son ami chauve qui sortait sa chienne quotidiennement. Elle arrosait, taillait, et rĂ©flĂ©chissait Ă  peut-ĂȘtre ajouter plus de rosiers, plus de jonquilles, plus de ci, plus de ça. Bref, Ă  occuper son temps et remplir son jardin de devant, pour peut-ĂȘtre remporter le premier prix du plus joli jardin de la ville. Mais cette fois-ci, un cri strident avait retenti et cela avait Ă©tĂ© la goutte de trop. AprĂšs moultes bagarres avec les hautes herbes, les branches mortes, les morceaux de ferrailles non identifiĂ©es qui parsemaient leur chemin, la petite brune qui avait bien entamĂ© sa quarantaine, arriva enfin lĂ  oĂč les herbes couchĂ©es tĂ©moignaient du passage des garnements. – Vous savez, peut-ĂȘtre qu’un des enfants est tombĂ© dans un trou ou que sais-je
 ajouta le cinquantenaire essoufflĂ©. Margaret grommela quelque chose comme ‘‘bien fait’’. Margaret n’aimait pas tellement les enfants. Elle avait eu toutes les peines du monde Ă  en avoir, plus pour son ex-mari que pour elle, parce que c’était son rĂŽle. Mais quand elle eut vent de sa tromperie, elle imprima vite fait les papiers du divorce et acheta sa belle petite maison Ă  l’autre bout du pays. – Ils sont partis, remarqua Phil. Margaret fit rapidement le tour du petit jardin, et ne trouva qu’un vieux vĂ©lo rouillĂ© dont il manquait une roue, une vieille tondeuse Ă  gazon toute noire et des pots de peintures Ă©ventrĂ©s. Cela faisait dĂ©jĂ  un moment que cette maison Ă©tait inoccupĂ©e et non entretenue. Margaret se souvenait peu des anciens occupants, elle venait d’arriver quand le dĂ©mĂ©nagement se passa Ă  cĂŽtĂ© de chez elle. – Moi je vous dis, il y a des claques qui se perdent. DĂ©jĂ , c’est une propriĂ©tĂ© privĂ©e, et ensuite on ne leur a pas appris que dans un tel environnement il est facile de se blesser, j’vous jure, Ă©numĂ©ra la brune sur ses doigts. – Il faut bien que jeunesse se fasse. Margaret soupira bruyamment, en levant les yeux au ciel. – De toute façon, je crois savoir quels gamins viennent ici. J’en ai dĂ©jĂ  enguirlandĂ© quelques-uns. Les parents vont m’entendre. Y a un parc et des jeux Ă  10 minutes d’ici. C’est pourtant pas si loin. Notre Margaret Ă©tait partie dans un monologue quand elle remarqua une casquette dans l’herbe couchĂ©e au pied du mur de la maison dĂ©crĂ©pite. Elle la reconnaissait. Elle Ă©tait au petit Kyle qui Ă©tait le plus jeune de la bande. Un petit blondinet aux cheveux longs qui lui tombaient devant les yeux quand il n’avait pas sa casquette de baseball vissĂ©e sur sa petite tĂȘte. Un gamin qu’elle arrivait Ă  supporter car aux Ă©vĂšnements de quartier, c’était un des seuls Ă  ne pas crier, Ă  ne pas faire de vague, Ă  rester dans les jupons de ses deux mamans, et Ă  ne pas parler. Un enfant silencieux. Si seulement ils pouvaient tous ĂȘtre comme ça, se disait Margaret en allant la ramasser. Puis, elle remarqua des traces de mains sur les carreaux qui donnaient sur le sous-sol, comme si on avait essayĂ© d’essuyer la crasse et la poussiĂšre marron. Ignorant les appels et les plaintes de Phil, elle s’accroupit, posa ses mains de part et d’autre de son visage et regarda par la vitre, avant de pousser un petit cri. Phil, dans un boucan du diable d’herbes folles et de fougĂšres, la rejoignit, inquiet. – Quoi ? Qu’y a-t-il ? Il posa dĂ©licatement sa petite Jocelyne dans un pot de fleur vide, lui donna l’ordre de ne pas bouger, puis se tourna vers sa complice et cette vitre franchement trĂšs trĂšs sale, qui ne lui inspira qu’une grande grimace de dĂ©goĂ»t. – Oh
 oh mon dieu. – Quoi ? – Mais
 C'Ă©tait ça ! – De quoi ? – Mais ça ! Ça, lĂ  ! Le pourquoi de leurs cris ! Ils ont vu cela ! À son tour, Phil prit place et mit ses mains de part et d'autre de son visage pour regarder Ă  l’intĂ©rieur de la maison. Ce que Phil observa le laissa sans voix et transforma son dĂ©goĂ»t en visage horrifiĂ©. Il y avait dans cette cave crasseuse et poussiĂ©reuse un corps de femme, qui devait ĂȘtre lĂ  depuis un petit moment. C’était ce qu’avaient dĂ©couvert les enfants en venant jouer Ă  l’arriĂšre d’une maison abandonnĂ©e. Nos deux comparses se tournĂšrent l’un vers l’autre avec la mĂȘme expression sur le visage comprenant que, bientĂŽt, le voisinage regorgera de policiers.

  • Bloody Mary

    Mon enquĂȘte Ă©tait au point mort. Le type en Ă©tait Ă  sa cinquiĂšme victime. Nous n’avions aucune piste Ă  ce sujet, depuis dĂ©jĂ  plusieurs mois le tueur nous narguait. Des corps sans tĂȘte vidĂ©s totalement de leur sang retrouvĂ©s dans des containers poubelles. C’était Ă  n’y rien comprendre. Comme si un vampire sĂ©vissait de nouveau dans la ville. Pour couronner le tout ce matin ma femme m’avait quittĂ©. J’avais trouvĂ© sa lettre ce matin sur la table, ma journĂ©e fut atroce car comme si ça ne suffisait pas nous avions trouvĂ© une nouvelle victime ; aussi me voilĂ  maintenant Ă  broyer doublement du noir. Le vague et du bleu Ă  l’ñme. Assis dans un bar, je regardais mon verre, il m’attirait par le fond. Dans le blanc de l’Ɠil. J’y voyais ton nom. Les nĂ©ons rose du bar clignotaient lentement dans la nuit, une nuit glauque comme on en voit qu’une fois dans sa vie. Chienne de vie, pourquoi donc m'as-tu quittĂ© ? Angela, Angela ! Pourquoi moi ? J’avais beau crier ton nom, me dĂ©sespĂ©rer sur mon sort ; tu ne reviendrais pas
 Silencieusement la mort s’approchait de moi. Je sentis son souffle froid posĂ© sur moi. Une entraĂźneuse vint alors s’asseoir prĂšs de moi. Le bar Ă©tait quasiment vide, nous n’étions que trois clients, tous au bout du rouleau. La nuit Ă©teindrait sa lumiĂšre bientĂŽt
 Elle avait un joli dĂ©colletĂ©, mes yeux vitreux le fixaient. De bas en haut. De l’hypnose dĂ©loyale voilĂ  comment ça s’appelait. Elle me susurra son nom dans le creux de l’oreille tandis que je nous commandais deux verres : deux Bloody Mary. Mary qu’elle s’appelait elle aussi. CoĂŻncidence ou pas, ce prĂ©nom-lĂ  me fit froid dans le dos. Je frissonnais. Et si cette Mary n’était pas la fille la plus jolie que j’ai jamais vue de ma triste vie ? Sexy, elle l’était. À n’en pas douter. J’en mettais Ă  la fois ma main Ă  couper et au feu. Tellement tout brĂ»lait en moi. Dans sa robe rouge moulante Ă  souhait. Je tournais de l’Ɠil et en tout cas je n’y voyais pas d’inconvĂ©nient, ni non plus d’un mauvais Ɠil. Bien au contraire ! Mauvais Ɠil que j’avais sĂ»rement. PosĂ© sur moi comme une malĂ©diction, comme lorsqu’un homme sent qu’il a dĂ©finitivement touchĂ© le fond. NĂ©anmoins c’était une belle nuit pour mourir, et Mary apporterait Ă  n’en pas douter un peu de distraction et de rĂ©confort pour me faire oublier l’ange qui m’avait fait faux bond. Nos regards se croisĂšrent, elle m’adressa alors la parole. Ses mots crus me plurent, d’autant plus que sa voix Ă©tait suave et sa langue dĂ©licieusement rĂąpeuse. J’étais du reste pendu Ă  sa langue. Comme un enfant timide s’accroche aux jupons de sa mĂšre. L’horloge indiqua bientĂŽt minuit et j’en fus quitte pour payer une autre tournĂ©e. Deux Bloody Mary pour ne pas changer. Me voilĂ  alors refait. Le champagne Ă©tait hors de prix ici et je ne l’ignorais pas. Les bars Ă  bouchons Ă©taient cĂ©lĂšbres pour nous apporter un peu de compagnie fĂ©minine et nous dĂ©lester la bourse. Finalement au bout du compte il fallait choisir : la bourse ou la vie. Moi comme un couillon j’avais choisi les deux. Le beurre et l’argent du beurre ainsi que le cul bien balancĂ© de la crĂ©miĂšre. Les banalitĂ©s une fois Ă©changĂ©es, j’eus l’infime honneur de plonger ma langue dans le fond de sa gorge pour y mĂȘler nos salives Ă  la maniĂšre sensuelle de deux gastĂ©ropodes. La sensation du reste me plaisait. Bien qu’elle me dĂ©connecta un peu plus de ma rĂ©alitĂ©. Tandis que quelque part dans mon cerveau deux fils dĂ©nudĂ©s se touchaient. Depuis combien de temps Ă©tais-je donc assis dans ce bar minable Ă  m’apitoyer sur mon sort ? Que diable, il fallait prendre le taureau par les cornes ! Aller de l’avant ! Ce n’était pas une Ă©niĂšme dĂ©ception amoureuse qui allait m’ébranler ainsi. Cocu pour cocu, un cul Ă©tait un cul, et le sien n’était pas pour me dĂ©plaire bien au contraire. Je n’étais pas fait du mĂȘme bois que les autres, et la jolie Mary pour bien me le faire comprendre me colla une de ses jambes tout contre moi. Ce qui fit monter d’autant plus la tempĂ©rature. Mon Dieu que je sois damnĂ© ! Elle avait une sacrĂ©e paire de jambes ! Interminables et dĂ©licieusement charnelles. Sous ses bas en rĂ©sille noirs, une peau laiteuse et bien en chair affleurait. J’aurais voulu ĂȘtre une petite souris et me glisser discrĂštement un peu plus haut, pour voir si sa petite culotte Ă©tait en adĂ©quation avec le reste. Elle Ă©tait bien plus qu’une promesse. Je m’en rendis compte assez vite. Quelques minutes plus tard, nous Ă©tions chez elle, ou bien Ă©tait-ce Ă  l’hĂŽtel ; moi au-dessus d’elle ou bien moi en-dessous. Du reste mon esprit Ă©tait troublĂ©, tout sens dessus dessous. Les murs tremblaient. Ma respiration haletait. Mon corps devenait moite comme mes idĂ©es. Je fermai mes yeux de plaisir, me mordant les lĂšvres pour Ă©touffer un cri animal. Pour ne pas trahir Ă  quel point je prenais mon pied. Ça aurait Ă©tĂ© lui donner trop de satisfaction. Je n’ignorais pas du reste qu’elle en avait vu dĂ©filer des comme moi, plusieurs fois dans sa vie, et que trĂšs vite aussi, elle avait fini par s’en lasser. Nous faisions partie des murs en quelque sorte, une sorte de bonus, ou comme un simple Ă©lĂ©ment du dĂ©cor. Elle prenait d’ailleurs un malin plaisir Ă  me le faire remarquer. En me griffant jusqu’au sang et en enfonçant profondĂ©ment ses ongles de tigresse dans mon dos. J’eus beau protester, ça dĂ©cuplait pourtant ma jouissance, et la sienne aussi visiblement. Elle Ă©touffa mon cri en collant sa bouche contre la mienne et en faisant pĂ©nĂ©trer ma langue dans ma cavitĂ© buccale dĂ©sarmĂ©e. Elle embrassait dĂ©licieusement bien. Tout Ă©tait en harmonie chez elle, il est vrai. Le papier peint fleuri, sa robe rouge sur le dossier de la chaise, ses talons hauts renversĂ©s sur la moquette rose du sol, et ses moulures blanches au plafond. À n’en pas douter j’étais au Paradis sinon au septiĂšme ciel, dans son antichambre mĂȘme ! Mais cette harmonie relative tourna bientĂŽt au cauchemar. J’avais laissĂ© mon insigne et mon calibre au bar. Ou plutĂŽt les avais-je oubliĂ©s ainsi que ma veste sur le rebord de ma chaise. Ou bien Ă©tait-ce elle qui l’avait fait exprĂšs. Qui sait. Je n’apprĂ©hendais pas ce qui allait arriver par la suite, les effets du champagne sur mon cerveau m’avaient en rĂ©alitĂ© fait perdre pied. Ainsi que les pĂ©dales. Pour de bon. Elle me retourna alors avec force empressement et s’assit sur moi Ă  califourchon. En temps normal je ne dĂ©testais pas qu’une femme entreprenante prenne les devants. Surtout quand elle Ă©tait aussi bien foutue. Sauf que lĂ  j’allais le regretter amĂšrement. Elle commença alors la Mary Ă  me dire des mots crus sans queue ni tĂȘte et se positionna sur moi en tĂȘte Ă  queue. Nous allions elle et moi Ă  contresens dans un cul-de-sac apparemment. Plaisir Ă  sens unique et sens interdit pris, je ne pouvais lui passer les menottes car elles Ă©taient elles aussi restĂ©es au bar avec tout mon attirail. Je lui fis pourtant la morale. Elle qui visiblement n’en avait pas. Elle me fit prendre mon pied, dans sa bouche et me colla le sien dans la mienne. De nouveau je ne pouvais profĂ©rer aucun mot. Car mes parents m’avaient appris Ă  ne pas parler la bouche pleine. Paix Ă  leurs Ăąmes
 Pas loin de grimper au rideau, elle m’arracha alors un cri de douleur en faisant soudain volte-face au-dessus de moi. Elle avait les choses bien en main et je ne boudais pas mon plaisir. Les femmes qui dans ma vie avaient Ă©tĂ© aussi expertes au lit ne couraient pas les rues. Ou alors si elles le faisaient, quelqu’un avait fini par leur mettre le grappin dessus
 Elle me colla un doigt mouillĂ© dans la bouche et me prit mon index pour le lĂ©cher suavement. En me regardant avec ses yeux suppliants. Il fallait que cela cesse, je sentais l’excitation monter en moi, mais possĂ©dĂ© par elle et totalement dominĂ© je ne pouvais desserrer son Ă©treinte ainsi que l’emprise qu’elle avait sur moi. Bien au contraire, les yeux fermĂ©s je me laissais faire. En laissant mon corps tremblant entiĂšrement Ă  sa merci. Je sentis sa bouche se coller contre moi et remonter tout doucement en suivant le chemin des dames jusqu’à mon visage et mes yeux bandĂ©s, de bas en haut. Entre-temps elle m’avait, avec quelques cordes et foulards, trouvĂ©s au fond d’un placard, entravĂ© au lit. Son souffle chaud me susurrait lentement des mots qu’on ne dit pas innocemment dans ces cas-lĂ . J’étais tout Ă  elle, et elle s’en donnait Ă  cƓur joie ! En me faisant bien comprendre, qu’elle au contraire, ne l’était pas ; innocente
 Je me sentis alors vaciller, partir complĂštement ; comme si mon Ăąme se dĂ©tachait de mon corps. Puisqu’en moi tout brĂ»lait, d’amour et de douleur. Vive, tenace. Tout en moi hurlait ! Un liquide chaud et Ă©pais se mit Ă  s’écouler de ma bouche, Ă  flots continus. Et rien ne semblait pouvoir stopper l’hĂ©morragie. J’étais cuit. Au cƓur de ce brasier, mon corps et mon ĂȘtre tout entier s’embrasaient. Je ne pouvais crier. La furie m’avait arrachĂ© sans mĂ©nagement la langue et la tenait prisonniĂšre entre ses dents. J’avais les yeux pourtant bandĂ©s, mais par un Ă©trange dĂ©tachement corporel, je voyais clairement la scĂšne se passer par au-dessus. Comme si mon corps Ă©tait entrĂ© en lĂ©vitation
 Elle riait et souriait. Moi je ne pouvais crier car on m’avait arrachĂ© la langue. Mes cordes vocales vibraient en moi profondĂ©ment mais aucun son ne sortait, juste quelques notes de dĂ©glutitions. Je me mis alors Ă  rire comme un fou mais silencieusement. Car au fond je savais que mon enquĂȘte prenait fin ici. J’avais trouvĂ© mon meurtrier qui s’avĂ©rait finalement ĂȘtre une meurtriĂšre. Mes yeux pleuraient de regrets. Mais seulement des larmes de sang s’en Ă©coulaient. C’était Ă  en mourir de rire il est vrai, mais d’un rire jaune, bien amer et bien gras. BientĂŽt les draps blancs tout autour de moi se teignirent de rouge. Mon champ de vision se rĂ©trĂ©cissait tandis que ma focalisation externe, pour ne pas dire la camĂ©ra, s’en allait un peu plus haut vers le plafond. La derniĂšre chose que je vis de moi c’était de me voir rire, sauf que ce n’était plus vraiment un rire mais une sorte de dĂ©glutition pitoyable et confuse au bord de l’agonie. BientĂŽt mon corps arrĂȘta ses soubresauts et les spasmes qui l’agitaient s’espacĂšrent. La nuit avait vĂ©cu et Bloody Mary recracha avec dĂ©goĂ»t ce morceau de moi dans un verre de glace pilĂ©e. Sorti tout droit du frigo. Avec une paille et une olive verte, la vodka incolore commença cependant Ă  se teindre de rouge. À travers la lumiĂšre tamisĂ©e, le cocktail fut du plus bel effet. Elle se dirigea alors vers la fenĂȘtre et l’entrouvrit. Pour apprĂ©cier un peu plus la chaleur de la nuit. Moi derriĂšre elle, les bras en croix attachĂ©s au lit, je gisais avec autour de la tĂȘte une couronne invisible d’épines rouges. Tandis que mon Ăąme apeurĂ©e jusqu’à la Lune et au ciel recouvert d’étoiles s’effilochait
 FIN CrĂ©dits : image Freepik (licence gratuite) de Kamran Aydinov

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