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Quelques idées de mots-clés :

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304 éléments trouvés

  • Mourir Peut Attendre

    Après plus d'un an et demi d'attente, un développement catastrophique et une communication pas très claire, le dernier James Bond, Mourir Peut Attendre est sorti dans les salles de cinéma. Réalisé par Cary Joji F. Ce dernier film marque la fin de l'ère Daniel Craig en tant qu'agent secret au service de sa majesté. James Bond a quitté les services secrets et coule des jours heureux en Jamaïque. Mais sa tranquillité est de courte durée car son vieil ami Felix Leiter de la CIA débarque pour solliciter son aide : il s'agit de sauver un scientifique qui vient d'être kidnappé. Mais la mission se révèle bien plus dangereuse que prévu et Bond se retrouve aux trousses d'un mystérieux ennemi détenant de redoutables armes technologiques. Malgré un scénario assez prévisible, mais solide, Mourir Peut Attendre réussit à conclure la saga 007 sans rougir. Le film prend des libertés en adoptant une tournure psychologique voire horreur à quelques moments, en rendant l'espion british costumé plus sensible et émotif ainsi qu’une conclusion inédite et impressionnante, bien qu'expéditive, pour un James Bond. Une conclusion qui risque de diviser les fans. Néanmoins, Mourir Peut Attendre donne plus une impression d'un Spectre partie deux qu'un épisode à part entière. Comme tout changement de réalisateur dans une saga, cela se ressent dans ce Mourir Peut Attendre. Les plans séquences impressionnants de Sam Mendes (Skyfall, Spectre) sont remplacés par des plans zénithaux et des plans parfois trop dynamiques, mais l'immersion reste intacte et est même renforcée par la musique orchestrée de Hans Zimmer qui sublime les plans. Les décors bonifient la photographie bien qu’elle soit sombre par moment à la veine d'un Spectre. Le casting reste convaincant avec un Rami Malek terrifiant mais une Léa Seydoux en-deçà, en revanche, Daniel Craig signe l'une de ses prestations les plus belles de la saga, rendant ainsi une possible nomination pour les Oscars. Mention spéciale pour Ana De Armas donnant ainsi une bouffée d'air frais au casting bien que sa présence reste courte. 2h47 qu'on ne voit pas passer, ce Mourir Peut Attendre restera longtemps comme l'un des James Bond les plus réussis de l'ère Daniel Craig. Bien qu'il soit rempli de défauts et d'incohérences, le film fait son travail et adopte des prises de risques. Risques qui devront être persévérés pour le prochain épisode car James Bond reviendra... mais sous un nouveau visage.

  • Lettre d'un soldat

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme ! Cet amour, cet amour qui fait de moi une personne invisible, une personne sans valeur. Ça fait déjà une année que je suis parti, ne m’en veux pas, je l’ai fait pour mon pays, s’il n’y avait pas eu cette guerre je n’aurais jamais dû te quitter. Ah comme ça me manque… tes lèvres, tes lèvres qui me donnent une chaleur, une chaleur faite par ton joli corps, ne t’inquiète pas mon amour, je n’oublierai jamais ton odeur, même après ma mort, tu resteras à jamais dans mon cœur. Peut-être ne nous reverrons pas dans cette vie, qui sait ?! La mort m’entoure partout mon amour, mais crois-moi nous nous rencontrerons dans la vie éternelle, dans cette vie qui n’a ni adieu, ni séparation, où notre amour portera ses fruits et restera immortel. Les jours s’écoulent mon amour, et ton parfum coule toujours sur mes lèvres, ton parfum remplit toujours mes cellules, je sens toujours tes cheveux noirs sur mes mains, noirs comme le corbeau et longs comme un tourbillon, si juste je pouvais mourir dans tes bras car il n’y a pas plus sainte place. Oh mon amour les heures sont si longues ici, chacune passe comme une année, mais ne sois pas triste pour moi ma chérie, car ta tristesse me casse en miettes jetées aux oiseaux affamés. Qui, qui peut me réconforter, et te réconforter ? Nous ne sommes pas les seuls à traverser cette difficile épreuve, je ne suis pas le seul soldat, et tu n’es pas la seule femme laissée par son amant, son amour, mais je suis un soldat, un soldat dont le devoir est de défendre son pays, et ça c’est le prix que nous devons payer. Tu te souviens de ce bon matin de Noël ? Tu étais habillée en blanc, je ne te l’ai jamais dit mais tu ressemblais à un ange ce jour-là, un ange tombé du ciel pour éclairer ma vie, c’est pendant cette journée que je suis tombé amoureux de toi, c’est ce jour-là que je me suis dit : toi Elena la Femme de ma vie. Avec ces mots je te laisse, peut-être que ça sera ma dernière lettre, je ne sais pas, mais dis-toi toujours que ton soldat t’aimera toujours.

  • Pénombre

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme. Une entité me guide à chaque instant et ne me permet pas de vivre. Elle me fait disparaître. Du vivant, je deviens un souvenir, une empreinte du passé qui ne cesse d’errer dans un présent auquel je n’appartiens plus. Spectrale, ma condition ne semble pas vouloir évoluer comme emportée par ce tourbillon de sensation qu’il m’oblige à affronter. Mon errance émotionnelle est habile, silencieuse, elle agit sans un bruit. Le bien-être, fantomatique, ne cesse de faire semblant, envoyant des messages qui ne sont pourtant pas réels. Le conscient a-t-il conscience de l’inconscient qui se joue de lui ? La dimension rhétorique de la question renvoie à la fatalité de l’existence humaine et la dimension inatteignable qu’elle suppose. Aujourd’hui mon vivant n’est qu’ectoplasme, émanant de moi et s’évaporant par les pores de mon corps. Son inconsistance évoque son inconstance à être. Demain, je ne saurais exister, disparaissant dans l’étau de cette sombre existence. Hier, j’étais, aspirant à aimer, n’imaginant pas, un instant la destruction imminente que deviendra mon futur. Ce lendemain guidée par la pénombre et vraisemblablement évanescente.

  • Il me fait jouer...

    "Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja")." (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d'un fantôme. Il fait pourtant les mêmes gestes, les mêmes rituels, la chorégraphie n'a pas changé. Le soir, il dépose son sac dans l'entrée, accroche son blouson sur la patère et rejoint la cuisine, sans m'embrasser. Il ouvre le frigo, se décapsule une bière, la boit d'un trait, sans me regarder. Il sort son téléphone, glisse de site en site, d'appli en appli, il rattrape sa journée. Le couteau qui frappe, le couteau qui hache, le frémissement de l'huile et le repas pris, sans me parler. Soirée télé, lui dans le fauteuil, moi dans le canapé ; parfois il rit. Il est debout dans le jardin, la tête dans les étoiles, la cigarette à la main, les volutes de fumée s'élèvent dans la nuit. Il enlève ses vêtements, le t-shirt qu'il tire par l'encolure et jette à ses pieds, le pantalon qu'il fait glisser le long de ses cuisses, le caleçon, les chaussettes toujours en dernier, il est nu. Il est nu et il se glisse dans le lit, sans me toucher. Il est loin et il est froid, je ne dors pas. Dans le noir se composent et s'étirent des labyrinthes de pensées, des bonshommes disloqués et consumés et ma silhouette au sol, éparpillée. Ce matin, blottie dans l'encadrement de la porte, la tête appuyée sur le pan de bois, je l'observe. Toujours les mêmes gestes, toujours les mêmes rituels, chorégraphie inchangée. La machine qui glougloute, le placard qu'il ouvre et qui grince, la tasse qu'il saisit, la tasse qu'il remplit, l'odeur qui se répand. Il s'adosse au plan de travail et porte le café à ses lèvres. Il ne me dit pas « bonjour ma chérie ». Il ne me dit pas « que tu es jolie ! ». Il ne me demande pas si j'ai bien dormi. Alors je me rue sur lui, et je crie, et je hurle, mais regarde-moi, regarde-moi putain ! Mais il ne me voit pas, son regard passe à travers moi. Il quitte la pièce sans bruit. Il décroche son blouson de la patère, l'enfile et remonte la fermeture éclair. Il croise son regard dans le miroir de l'entrée, vérifie son allure, ajuste ses vêtements, lui et son épaule gauche plus haute, cet air un peu penché. Je m'approche doucement, j'avance à pas feutrés. Je me place à sa hauteur, nos corps de nouveau rassemblés. Je lève les yeux vers la glace, je n'y trouve que mon reflet, yeux noyés de sang et de larmes, visage blême et joues creusées. Il saisit son sac qu'il met en bandoulière, fait quelques pas, pivote vers moi. Il me regarde, il me regarde une dernière fois. Un sourire, un petit signe de la main, la porte qui s'ouvre et se referme.

  • Petite souris grise

    "Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja")." (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer, de mon vivant, le rôle d’un fantôme : j’erre dans ce monde, insignifiant, sans laisser de trace, ni d’empreinte, ni même susciter le moindre intérêt, suis-je alors en vie réellement ? C’est ainsi que je suis, comme une petite souris grise qui reste à l’écart et dans l’ombre et même si elle se montre au jour de temps à autre, n’est perçue qu’accidentellement. Il est vrai que la souris n’a pas pour but d’être vue, plutôt le contraire, mais c’est parce qu’elle a peur qu’en faisant peur à d’autres elle sera écrasée, ce qui contrevient à son instinct. Car comment pourrait-elle au juste subvenir au besoin de sa famille de rongeurs avec ses intestins pendant de son flanc, la suivant comme un maudit serpent gênant qui la fait s’arrêter à chaque instant pour prendre un peu de repos. Mais moi, un mammifère plus digne et surtout plus grand vivant dans une société d’hommes qui prétend assurer un cadre de vie qui protège ses membres, je ne crois avoir de tels soucis. Je voudrais donc me montrer, exceller et avoir de la reconnaissance, comme cela doit être le désir de tout être conscient et plus ou moins intelligent, mais voilà, je n’y arrive pas, je n’ai pas été fait comme ça, je n’ai peut-être pas la voix, le physique, la force du caractère ou quoi que ce soit qui éveille l’attention et le maintien. Je m’efforce, tout de même, de faire briller mes capacités mais c’est bien en vain, car enfin, je vais devoir avouer que certains ont bien plus que moi et que le talent ne se répartit pas équitablement.

  • Cavalier sans tête

    "Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja")." (consigne de Jean-Michel Devésa) « Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme ». Le matin dans le reflet éteint de la glace, je ne me reconnais pas. Je ne sais plus où donner de la tête ni non plus à quel Saint me vouer, ni encore moins quel être vivant et malheureux hanter. Homme ou femme, bon ou mauvais. Après tout qu’importe ! Puisque je ne suis plus ni l’un ni l’autre, perdu dans des conjonctures qui me dépassent corps et biens ; et qui, à y regarder de plus près, dépassent toute notion d’entendement. Alors laissons-nous aller à notre déraison, au fil du rasoir ou bien à celui de notre inspiration. Regardons froidement la Mort en face ! Et qu’elle vienne ! Qu’elle vienne ! Quand ce jour viendra, promis je ne tremblerai pas, je poserai mes doigts sur le chien du fusil, Cerbère de métal et de feu, et je me tirerai une balle proprement comme les étoiles filantes tracent leur course en plein ciel ! Puisqu’il faut bien partir un jour... De toute façon, dans notre état mortel et subliminal rien ne nous fait peur, ni le Néant, ni même la Nuit ; puisqu’après tout, nous n’avons plus rien à perdre sinon tout à gagner. Mélancolique fantôme de ma vie, regarde donc un peu ce que je suis devenu ! Ce que tu as fait de moi ! Tout ce mal et ces pensées sombres qui s’insinuent à l’intérieur de moi et jusque dans mon sang. La bile noire des humeurs chère aux anciens, source de création et de génie ; mais en attendant, que de souffrances inutiles, que de douleurs profondes et de cicatrices à mes bras… Pourtant je l’appelle de toute mon âme, de tout mon cœur, cette douleur, cette étrange sensation qui me fait à la fois sentir éteint et vivant. Après tout, à quoi bon ? Pourquoi vouloir s’évertuer à être moi-même, pourquoi vouloir s’obstiner à être un autre, si au bout du compte, l’un comme l’autre n’ont plus ni raison ni enveloppe corporelle, ni chair ni compassion ? Ni encore moins de désir charnel ? J’ai parfois l’inexplicable intuition d’être composé d’une multitude d’atomes hétéroclites qui gravitent en dehors de toute logique ou règle élémentaire, et plus surprenant encore, défiant indubitablement toute gravité. À quoi bon après tout l’apesanteur ? Sinon à nous sentir plus pesants encore et entraver d’autant plus nos mouvements. La notion de Folie l’emporte alors sur la notion de Raison, voire même sur tout le reste. Et me voilà soudain, Cavalier sans tête, déambulant dans les landes désertes sans cœur ni passion. Ni même sans nulle part où aller. Comme un pauvre fou à qui l’on aurait ôté tout espoir de rémission, autant dire un désespéré ! Et Dieu sait que ce sont ceux-là les plus dangereux, car là encore, ces derniers n’ont absolument rien à perdre mais tout à gagner. Ce sont ses chiens fous ! Sans garde-fou, sans garde-chiourme ni barrière. Prêts à sauter dans le ravin escarpé gueule la première ou à décapiter l’ennemi en place publique sans plus de jugement ni aucun ménagement. Justice expéditive du couperet qui tombe sur la nuque aussi tranchante qu’un sabre… Ou plutôt suis-je une âme en peine à me lamenter sur mon sort ou bien sur moi-même. Sans en retirer aucune joie sinon la douleur de l’existence, et de cet oxygène que l’on respire et que l’on recrache à pleins poumons. Cris du nouveau-né qui pleure et qui veut retourner dans le ventre protecteur maternel et encore chaud. C’est d’ailleurs ce que nous cherchons à faire inconsciemment toute notre vie. Les choix que l’on fait nous sont dictés par notre Alma Mater, par un ventre rond, gorgé de sève et de soleil. Pour pérenniser l’espèce comme on dit, mais reste à savoir de quelle espèce intelligente on parle ici… Car en y repensant, j’émets de sérieux doutes sur la question. Je me liquéfie, je me décompose, je retourne à la poussière puisque je suis né poussière. Un jour je vis, un jour je meurs, c’est ainsi. Organisme organique solide composé d’air et d’eau, les veines affleurant sous les nerfs de la peau. Bien reliées sous la ligne du cerveau et d’un cortex filant plus ou moins droit. Ce sont autant de routes qui fixent sur la pellicule du réel ce que nous sommes. Autant dire des vérités aléatoires perdues dans un monde précaire. Mais au moins NOUS SOMMES, puisque nous avons le mérite d’exister, d’attenter à nos jours, de couper le fil qui nous relie à la Grande Roue du Destin. De cette Mort intransigeante qui pèse sur nos destinées comme une épée de Damoclès. Mais la tête ? La tête ? Est-elle toujours bien solide et à sa place sur ses épaules ? Le regard droit plongé au fond d’un miroir, les yeux fuyants cherchant au loin une réalité qui sans doute ne viendra jamais. Oui ; à bien des égards il me fait devenir complètement fou à en perdre la tête définitivement, au sens propre comme au figuré. Et nul espoir de retour possible ! Les lignes que l’on franchit restent immobiles et silencieuses derrière nous. Comme interdites… Mais au fond, ce destin tragique et triste à la Maïakovski ; n’est-ce pas tout simplement ce que je suis venu chercher dans ces lieux obscurs et froids ? XK

  • « Il me fait jouer...

    "Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja")." (consigne de Jean-Michel Devésa) « Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme » songeai-je alors que je sortais du cabinet de notariat Perry. L’oncle dont j'avais hérité avait eu un goût des plus singuliers en ordonnant que celui – ou celle à tout hasard – qui voudrait obtenir ce qu’il restait de sa fortune s’enferme dans son caveau, à ses côtés, pour une durée de trois-cents jours. Sans doute craignait-il la solitude qui lui était réservée. Je n’ignorais pas qu’un tel procédé, aussi macabre fut-il, relevait de la parfaite légalité, et qu’il me faudrait en conséquence jouer au jeu de Nataniel Winters. Cela me parut dans un premier temps des plus surréalistes, aussi niai-je cette idée farfelue. Mais, devant la grande et impérieuse nécessité de me soulager de mes quelques dettes de jeu mal venues, je finissais par lâcher prise, d’accepter de me prêter au défi malencontreux de mon oncle. De ce que je savais, la procédure était simple : sa domesticité venait ouvrir le caveau deux fois par jour, pour apporter de quoi boire et manger, ainsi qu’un seau destiné aux commodités -ledit caveau se trouvait sur le domaine familial- et apporter régulièrement de quoi se raser et changer ses vêtements. Cela me parut tout à la fois étrange et pratique, aussi fermai-je les yeux sur ces étonnantes façons d’agir. Je postulai dès le lendemain de mon entretien avec le notaire et fus infiniment soulagé de constater que personne ne m’avait devancé, alors même qu’une annonce au sujet de cette affaire avait été rendue publique par un des journaux locaux, le Daily Motion. Cela me procura quelques joies et soulagements bienvenus. Le notaire, Henry Perry, signa le contrat que nous avions alors établi au sujet de l’héritage et des trois-cents jours de simili-prison, et mon rôle de spectre débuta l’après-midi même. J’eus le loisir d’observer la demeure familiale un court instant, ce qui me conforta dans mon désir d’hériter : jamais je n’aurais pu rêver pareil logement de ma vie. L’autre logement, celui dans lequel j’allais bientôt être enfermé, me plût déjà moins bien. Bas de plafond, et d’une superficie de dix mètres carrés, l’attente qui n’allait pas tarder me parut déjà insurmontable. Aussitôt, mes dettes revinrent hanter mon esprit, et la peur naissante mourut, pour un temps du moins. Je m’allongeai sur une couverture adossée au socle de granit qui soulevait le cercueil de verre de Nataniel Winters. Je me soulageai l’esprit en songeant qu’au moins, le dernier lit de mon oncle était recouvert d’un large drap noir, qui ne laissait rien voir. On m’avait assuré qu’à cause de la nature spéciale du cercueil, ainsi que du traitement particulier du corps, aucune odeur ne s’en échapperait, ni du mobilier, ni de l’objet funeste qui s’y trouvait. J’attendis longtemps, très longtemps. Alors que je regardais le cercueil, une pensée froide me traversa l’esprit : et si on m’avait oublié ? J’attendis, encore et encore, passivement, dans une crainte mêlée d'appréhension. Cela me parut d’une longueur invraisemblable, les murs se rétrécissaient à vive allure, le socle de granit à l’inverse enflait comme un bouton d’adolescent, et le cercueil de verre se rapprochait dangereusement de moi, me confinant dans un espace de plus en plus étroit. J’allais attendre bien longtemps : la domesticité avait été renvoyée sur ordre du maître de maison, sans que personne ne soit au courant. Prisonnier d’un caveau de pierre sans personne pour venir me nourrir et me faire boire, j’en fus désormais réduit à la nature même de spectre, parcourant de mes yeux vides les lignes de mon cadavre tordu par la faim et la soif. Nataniel Winters avait gagné : il ne serait pas seul dans sa dernière demeure.

  • Il me fait jouer...

    "Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja")." (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme. La nuit, tandis que je dors, il reste tapi à la lisière de la réalité, dissimulé depuis toujours dans les poubelles de ma mémoire. Égorgeur méthodique de mes élans vitaux, il guette l’instant où mon sommeil ne lui fera plus obstacle. Et lorsqu’enfin je me réveille, innocent comme au premier jour, il fond sur moi pour me confisquer le soleil. Justement j’ouvre les yeux, sorti d’un rêve dont je ne me souviens pas, ou d’un cauchemar que je préfère oblitérer. Prisonnier du demi sommeil, j’ignore encore où je me trouve. D’instinct je referme les paupières, comme pour ne pas réaliser trop tôt qu’il s’agit de ma chambre, ce clapier à six cents le mois qui prend l’eau et les courants d’air. En somnambule, je remonte le drap jusque sous mes yeux. Je repousse l’oreiller trempé de sueur, comme imbibé de mes terreurs nocturnes. Un court instant encore, il m’autorise à me prélasser dans la tranquillité de son absence. Pourtant, bien qu’il ne se soit pas encore manifesté, un réflexe animal, de bête froussarde, fait que je me recroqueville. Je ne me rendors pas tout à fait. La lumière qui pénètre par le Velux gêne mon repos. Je ne comprends pas encore que c’est le jour qui m’importune, rougissant mes paupières que je ne peux bientôt plus m’empêcher de voir. C’est le point de bascule, les causes les conséquences qui se télescopent dans l’esprit alerté : le rouge dans l’œil c’est la membrane éclairée par le jour, et le jour ne se lève pas avant huit heures ; s’il est huit heures alors j’ai loupé le bus ; j’ai loupé le coche second retard en un mois de turbin. C’est le moment qu’il choisit pour quitter sa cache. Je ne sursaute pas il m’est trop familier, mais le dégoût de tous les jours qui se lèvent me saisit instantanément. Il se penche sur moi sans affects, brandit le couteau effilé qui n’est aiguisé que pour moi. Je lutte, rentre le cou, plaque le menton contre le buste de toutes mes forces. Ça ne sert à rien mais je ne peux pas m’en empêcher. Sans prendre la peine de retirer le drap, il applique le tranchant de la lame sous le lobe de mon oreille droite, puis la fait courir sans effort jusqu’à la gauche. Malgré ma crispation, il ouvre un sourire béant dans ma gorge, un sourire indolore sans effusions de sang. Alors seulement il disparaît, ou plutôt il devient béance, confondu avec le rictus qu’il m’a taillé dans le cou. Je ne le hais pas après tout il ne fait que son travail. Le mien est de pointer à l’entrepôt, retard ou non, inventer je ne sais quoi, tenir trois semaines, fin de contrat puis déblocage des droits chômage. Je jette un coup d’œil au réveil et constate qu’il est hors tension. J’essaie d’allumer la lampe de chevet mais aucune lueur ne jaillit. Enfin je me traîne hors du lit, enveloppé dans le drap qui a tout du linceul. Je me plante devant le tableau électrique, rétablis le plomb capricieux et flotte droit vers la salle de bain, songeant à toutes les fois où j’ai invoqué la panne de réveil. En franchissant le seuil de la salle d’eau, le carrelage gelé me fait grimacer. Encapuchonné dans le drap qui réduit mon champ de vision, je tâtonne du côté de la cloison jusqu’à trouver l’interrupteur. L’éclat brutal du néon me force à me rétracter davantage sous mon suaire Leclerc, trois pour le prix de deux, tout ce qui compte pour vous existe à prix Leclerc. En passant devant le miroir, je souris de la gorge à mon reflet cadavérique. Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme, ai-je encore le temps de penser, sans interrompre ma course en direction du lavabo. Lorsque je me fracture le petit orteil contre le pied de la baignoire en fonte, en trois morceaux c’est ce que m’apprendra le manip’ radio, je ne fais plus de littérature.

  • Cancer

    "Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja")." (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme. Il était là. Cette douleur fantôme que seuls ceux qui ont un souci de santé peuvent ressentir. Il grandissait à l’intérieur de moi. Peu de personnes de l’entourage peuvent compatir, ils peuvent avoir de l’empathie mais pas ressentir ce que cette maladie peut faire subir. Il arrive comme ça, sans qu’on lui ait demandé de venir, sans invitation. On n’entre pas en fracassant la porte, c’est ce qu’aurait dit mon directeur. C’est comme un ami, qu’on ne supporte plus, qui vient squatter chez vous car il a été invité (ou plutôt poussé) à partir de chez lui. Sauf que contrairement à l’ami, ce monstre reste jusqu’à la fin pour vous emporter avec lui. Ce surnom, le monstre, lui va bien. Car après vous avoir emporté avec lui et ainsi ne plus vous retrouver dans ce monde, il revient voir d’autres personnes, que vous connaissez ou non, et il refait la même chose. C’est telle une personne en qui vous tombez amoureuse, il change votre vie à tout jamais, sauf que cet enleveur d’âme, vous ne l’aimez pas, vous le maudissez. A l’instar de votre amoureux, il est là, tous les jours, mais pas pour vous rendre heureuse. Il vous demande même de quitter votre foyer et votre monde pour que vous le rejoigniez dans son monde obscure et lugubre. Sauf que vous résistez, à coup de traitements. Chaque jour est une victoire. Vous résistez mais jusqu’à quand ? Car sa question fétiche est « Quand c’est ? ». Tous les jours, il dit en moi du « Quand c’est que tu arrêtes ? », ou bien du « Quand c’est que tu me rejoins ? », voire du « Quand c’est que tu quittes homme et enfants ? ». La réponse peut le décevoir mais c’est ma vérité. Je lutte pour vivre, pour voir les gens grandir et le plus important, de profiter de chaque instant avant qu’il ne soit trop tard.

  • Il me fait jouer...

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme. Ton souvenir. L’image de toi que j’ai gardé en moi. Il me contrôle, il me possède. Ton souvenir. Sans toi je n’y arrive pas. Tout ce que j’ai, je n’en veux pas, parce que toi, je ne t’ai pas. Il ne reste que ça, ton spectre qui ne me lâche pas. Je le porte en moi comme le poids lourd d’un ciel qui retient sa pluie. Tu es la Dame Blanche de mes nuits noires, je tente de crier ton nom pour t’exorciser mais la vérité c’est que lui aussi, il reste toujours coincé. Un cauchemar qui ne s’arrête pas. Avant toi, l’occulte, je n’y croyais pas jusqu’à ce que tu reviennes me hanter. J’ai continué de marcher, d’avancer, en vain, je ne fais que sans cesse m’arrêter et me retourner. Je ne vois que par la caresse brûlante que tu as laissé sur ma joue, sur mon bras, sur mon ventre. Par le souffle que tu as glissé dans mon oreille, dans ma nuque, dans mon cœur. Je suis marquée au fer rouge de tes doigts, de tes lèvres, de tes mains qui furent jadis sur moi. Te porter en moi, c’est me donner une raison d’exister car depuis ton départ, je me languis de retrouver les jours d’été. La rue porte ton empreinte, j’ai continué à te chercher, de sonder chaque regard dans l’espoir de t’y retrouver, de chaque parfum pour t’y respirer. Tout à coup, je te vois, là-bas, silhouette parmi les silhouettes. Je suis certaine que c’est toi, oui, c’est ça. Je cours, je cours jusqu’à te rattraper mais tu avances trop vite, tu es déjà en train de me semer. Je redouble d’effort, j’ai mal au cœur, j’ai mal au corps, je suis certaine que c’est toi. Tu lévites au-dessus du sol, tu caresses le bitume de ton passage. Ne vois-tu pas que je suis dans ton sillage ? Puis tout à coup, je m’arrête. Je t’ai perdu, tu as disparu. Le sablier du temps égraine son sable pour t’emporter loin de moi. J’ai peur, j’ai froid. Je parcours le désert de mes pensées pour sans cesse te représenter mais tu t’évapores. J’ai soif de te retrouver mais le mirage de ton visage se dissipe jusqu’à parfois même, être remplacé. J’en oublie la couleur de tes yeux, la façon que tu avais de me regarder. Et tes cheveux ? Étaient-ils courts, longs, rasés ou frisés ? Souviens-toi. Les minutes chevauchent les secondes, le temps continue de s’écouler et moi je désespère de retrouver le fantôme de mon passé. Et puis il y a cette voix qui me répète comme un mantra, un disque rayé, « souviens-toi ». Mais je n’y arrive pas. Souviens-toi. J’essaie, je me force à continuer de te représenter mais le temps est un joueur avide qui a gagné sans tricher, il m’est impossible de me remémorer. Ton souvenir est en train de m’échapper. Je suis fatiguée de me rappeler, de continuer à t’aimer et de te chercher. Je ne me rappelle plus la dernière fois que j’ai mangé, la dernière fois que je me suis lavée. Ma dernière cigarette termine de se diffuser. Je suis incapable de me regarder, de m’habiller, de me lever. Je crois qu’on ne se souvient même pas de moi, en tout cas, pas de la même façon que moi, j’essaie de me souvenir de toi. Je me suis moi-même oubliée, effacée de la vie pour vivre une illusion qui prend une allure d’éternité. La personne que j’étais, la flamme qui m’animait, tout ça, ta chimère me l’a volée. Je suis le gouffre dans lequel j’ai trébuché. C’est là que j’ai réalisé qu’il était peut-être temps de me réveiller. Que le fantôme, ce n’est plus toi. C’est moi.

  • Rouille

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme. Le temps n’est pas clément. Mauvaise comédie, je grince et plie pour des mouvements hier si souples. Ils me moquent et je devrais rire avec eux. Riez de vous et foutez-moi la paix. Vous n’êtes pas drôles et lui non plus. Bientôt ils verront. Ils verront l’amertume ajouter des grincements. A eux aussi, des enfants ordonneront. Le ridicule ne me fait plus rire. C’est d’eux que je voudrais rire, méchamment, en sortant les dents. Qu’on les déshabille, qu’ils rouillent, qu’on les déshumanise. Je n’ai pas envie de faire de gâteaux. Et si mes pulls vous grattent, tant mieux. Au centre de tout, je devrais m’effacer. Offre impossible à refuser. Les bras sont tombés et cette fois ne pourront plus remonter. Le prisme est flou, un vieux phare dont la vitre est voilée, elle s’est opacifiée. Le blanc ne me va pas bien au teint. Il allait mieux aux autres, loin. Vous viendrez ? Ne venez pas. Ne faites pas semblant. Je vous souhaite de regretter. Je vous souhaite de trembler. Je ne suis pas le premier vous savez. Le froid vous attrapera. Ne me croyez pas. Mais vous le sentez déjà ? Alors bientôt rejoignez-moi.

  • L'Incarnation

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) A – Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme. Perdu dans les limbes de vos pensées, j’ai essayé de vous attraper. Je vous hurle dessus mais vous ne suivez pas ma voie. Je vous agrippe, mais ne ressentez pas mon poids. Je vous possède sans que vous n’écoutiez ma voix. Je vous hante... Toi, ça t’est insoutenable. Alors, je vous épie. Depuis la réalité imposée, depuis le néant dans lequel vous m’imaginez. Le Metteur En Scène – On reprend... Viens là. L’actrice se rapproche, A s’éloigne. Le Metteur En Scène – Sois plus dans l’écoute de ton monologue, récite moins. Ressens ce que le personnage vit. Il vit en toi. Ses mots sont les tiens. A - Essaye encore de m’interpréter. Rapproche-toi de ma réalité. L’actrice - Je pourrai tout faire péter ! J’ai une ceinture, n’importe quand, sans raison, je peux tout faire partir en fumée ! En poussière …! L’actrice regarde le metteur en scène, cherche un regard dans son seul public. Elle récite le texte comme une hésitation. Je peux... je pourrai... Si, si vous acce... Si non c’est pas... Je le fais pas. C’est pas, c’est pas grave. A – Grave... Pas grave... Écoute la musique dans ma tête, entends les basses qui gravitent dans mes intentions, qui m’emportent avec elles dans les profondeurs de ma gravité. Tu penses que l’explosion est la violence et l’hésitation la compassion. Mais écoute les nuances. Écoute ma demande d’aide avant implosion. Entends mon désespoir, le danger dans mon apparente résignation. Temps Et si je bluffais ? Le Metteur En Scène – Reprends. Plus de nuances. Temps L'actrice se concentre. A se rapproche d'un pas vers elle et semble la traverser du regard. Temps L’actrice -Je peux TOUT faire partir en fumée...! En poussière... Je peux... Elle ralentit, regarde le fond de la salle. Son regard transperce l’âme de son adresse imaginaire. A – Sens la mort. Le Metteur En Scène- Voilà, pense à l’urgence ! L’actrice - Je pourrai... Un sourire s’esquisse sur son visage. Si vous, vous accept... Si non, (elle force un sourire innocent) c’est, c’est pas. Je m’en fous. A se rapproche progressivement de l’Actrice, la regarde fixement, la possède. A – Sens le danger, sens l'abandon. L'Actrice : Je m'en fous... Je m'en fous hein... C'est pas, c'est pas grave. A – Oui, libère toi d'eux. Libère toi de toi-même. L'Actrice : C'est pas grave du tout. Pas pour moi, pour vous. A – Tu le sens arriver. Tu me sens. En toi. L'Actrice : Pour vous, c'est grave. Si grave. (elle rit) La haine, elle te guide, elle nous mène ici. C'est si grave. Je vais tout faire péter. Laisse toi porter, ressens la symbiose. Vous, c'est fini. Moi, c'est la vie. A est juste derrière l'Actrice. Il agit comme s'il la possédait Les deux, ensemble : Vous, c'est fini. Nous, c'est INFINI.

  • Bleu légende

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme, alors qu’ils sont tous morts depuis longtemps. Une seule de ses phrases a suffi pour l’oublier, ce jour où il a dit que j’étais mort et que lui vivait. Pourtant j’ai tout traversé, des océans aux continents, des asiles aux foyers. J’ai entendu les cloches répondre aux cloches du passé, les pères prendre la main de leurs fils dans les rêves qu’ils ont oubliés. Où es-tu maintenant ? Dans quels mondes de plastique et de métal t’enterres-tu ? La première fois que je t’ai vu, j’étais resté sans voix devant les ailes ouvertes de tes yeux. Je croyais rencontrer un père qui n’avait pas de fils, j’ai trouvé un fils qui n’avait pas de père. Dans le silence qui a suivi ton premier sourire, je t’ai regardé et tu m’as vu ; je savais tout du monde, je ne connaissais rien de celui qui me fixait là… J’ai suspendu mes voyages à tes lèvres balbutiantes, je suis resté entendre tes gazouillis dont je recueillais les histoires. Le monde autour n’avait plus d’autre limite pour moi que la porte de ta chambre. Tu étais mon miracle, le vivant trouvé parmi les morts. Au début je n’y prêtais pas garde, j’ignorais les dangers que soulevait ma présence. Je réalise après des années ce qui s’est passé en toi, je reconnais les marques de la vie fuyant tes yeux qui s’habituaient au soleil et aux « moi, je ». Je ne le sais qu’aujourd’hui… tu mourrais. Dans ton grand âge, je t’ai entendu la prononcer, cette phrase terrible, devant ta famille : je serais mort, et toi vivant. J’ai quitté ma place autour de la table pour me fondre avec les murs ; depuis, j’attends là. Au début, j’ai espéré que tu reviennes sur ta parole. J’observe à présent, je t’observe toi et tes morts, chaque jour qui passe. Vous n’avancez que pour répondre au désir ou à la peur, vous n’ouvrez la bouche que pour vous faire exister. Vous courez sans cesse pour rattraper le temps que vous perdez à contourner l’Essence qui vous entoure, de peur de vous transformer à son contact : votre seul espoir d’avenir est de conserver votre mort intacte. Ainsi, c’est pour te préserver qu’à ta mort tu m’as quitté. Je te pardonne, tout comme je sens que je dois te laisser à présent… L’être pour lequel je me suis arrêté autrefois n’est plus. Parti à la découverte du monde, je contemple des morts et des vivants, des maisons d’un bleu forêt enluminées à la chair des légendes, des arbres pour un jour et des phalènes millénaires, des toits en soleil et des rues pavées de couleurs. Le voyage a pris un instant de mon existence, mais toi il t’aurait fallu te renouveler cent fois pour le mener. Un jour comme les autres, pourtant, voici que je t’entends m’appeler. Mon cœur se serre à ton souvenir. Aussitôt, pour toi, je traverse l’espace par le temps et te trouve blanc sur un lit blanc. Il fait nuit. Les yeux mi-clos, tu me fais signe d’approcher, alors je place ma main avec précaution sous la tienne afin de ne rien mélanger… pourtant cette main, c’est toi qui la serre avant de me parler : « Mon ami… toi qui as toujours été là, dans l’ombre, en silence… » Je le laisse reprendre son souffle. « Je voudrais te dire que j’avais tort, le jour de mes sept ans, d’annoncer que de nous deux, le mort c’était toi. Regarde-nous, aujourd’hui… » Sa toux se teinte de rire. « Je crois bien que je pars en voyage vers l’inconnu… si tu m’as pardonné depuis toutes ces années, veux-tu bien m’accompagner ? » Les barrages que j’avais placés, contre lui, tout ce temps dans les murs, se sont libérés comme le flot de mes larmes d’argent se mélangeant à son buste. En ce jour, pour la dernière fois, j’ai fermé ses yeux et l’ai guidé dans le dernier de ses rêves, comme un père parti vers l’avenir tenant la main de son fils. Au fond, qui peut dire qu’il est vivant ?

  • Il me fait jouer...

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) “Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme” D’un fantôme présent le jour comme la nuit. À qui j’adresse de jouer mon propre rôle. Celui avec qui je partage ma vie, et c’est plutôt morose. Comme une ombre qui me suit dans la pénombre, bousculant ainsi l’équilibre fragile de la vie. Je sais qu’il me hante, je le vois dans mes rêves, il me suit. J’ai même l’impression que c’est lui qui m’y conduit. Parfois, je crois l’apercevoir, à côté de moi. Alors il devient difficile de faire la différence entre la vision et la réalité. Il me hante moi et mon esprit. La vérité c’est que qu’il ne m’a jamais vraiment quitté. Toujours là, à contrôler mes faits et gestes mais comment lui en vouloir ? J’ai peur qu’il me quitte, emmenant avec lui des souvenirs enfouis. Après ça, je risquerai de n’avoir plus personne pour me rafraîchir la mémoire. Je n’aurai plus ces flash-back qui remuent ma joie comme ma peine. Alors oui, il faudra peut-être le garder près de moi un peu plus. Ce ne sera pas toujours joyeux. On sait bien qu’on ne vit heureux que dans le moment présent. Avec lui, le passé a un goût amer, un goût salé. Mais je le garde près de moi, comme dernier recours, comme dernier indice dans cette vie. Le silence me terrorise et m'ennuie. Il est vrai que des fois on préfère n’avoir rien à dire, car quelque part ça nous sécurise. C’est durant ce moment précis parmi tant d’autres que je me vois apprécier sa compagnie.

  • Mascarade

    Écrire (au plus) une page (A4) en commençant par la formule empruntée à André Breton : "il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme" (dans "Nadja"). (consigne de Jean-Michel Devésa) Il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme, lui, ce regard qui m’observe mais ne me voit pas. Le monde entier est-il une scène peuplée de fantômes ? Si je me sens invisible aux yeux des autres, ceux que j’observe ne sont-ils pas aussi une version spectrale d’eux-mêmes ? Mes parents, mes amis, cette femme sur les marches de l’église et cet homme sur son bateau se voilent d’un drap blanc à l’opacité changeante. Tous sont des proches éloignés et des inconnus qui le resteront à jamais. La vie est un jeu de masques où chacun s’amuse et s’illusionne. Mais parfois, être le comédien de ma propre vie m’épuise. Il a mon visage, ma taille et silhouette, un corps qui ne se perd, mais se transforme, lentement, inévitablement. Parce qu’il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme, le rôle reste le même tout en changeant au gré du vent du temps qui me pousse en avant. Il ne me hante pas depuis toujours. Petit, mon rire s’épanouissait quand la joie m’imprégnait de son charme. La fausseté ne trouve pas sa place dans l’éclat de voix des enfants. La spontanéité les sauve de la mort vivante. Plus l’âge augmente, plus la descente vers les faux-semblants devient inévitable. Le regard d’un au-delà se matérialise petit à petit comme la barque de Charon dans la brume du Styx, d’une silhouette aux contours brouillés, il émerge avec la clarté de l’eau. Ce regard pénétrant mène à des Enfers gardés par un Cerbère que seul la musique orphique de la solitude endort. Eurydice meurt lorsque son amant la regarde. Mon fantôme a besoin de ce regard pour se montrer. Je me souviens de notre première rencontre après une chute dans les graviers. Le rouge aux joues et aux genoux, je lui avais demandé : – Qui es-tu ? – Je suis toi et ton ombre. – Pourquoi t’es-tu emparé de mon corps ? – Vois ce doigt pointé vers nous, c’est à cause de lui. Sa présence aigre-douce me hante autant qu’elle me protège des autres. Ses créateurs ne pourront jamais lever le voile blanc qui couvre mon vrai visage. Cependant, comme toute vie, celle du fantôme est vouée à disparaître. Il n’est qu’une apparition dont la mort me fait renaître. Il cesse de m’habiter au moment précis où je m’abandonne à la pensée d’un autre, lorsque j’interprète ses mots et lui prête ma bouche. La salle plongée dans l’obscurité me révèle enfin. Tout comme mon fantôme, j’ai besoin du regard de spectateurs pour m’épanouir et d’une scène pour m’animer. Je joue et pourtant, les paroles et les gestes des personnages sont plus naturels à exécuter que n’importe quel pas épié dans une rue par des gens cachés derrière leurs volets. Debout dans la loge, je me prépare à intégrer mon vrai corps. Je me rappelle la première fois où je me suis retrouvé. Mes parents m’avaient rapporté les murmures du public d’alors : « C’est qui ce garçon, il est nouveau, je ne l’ai jamais vu avant ? » « Quelle voix pour sa taille ! » « Mais si, c’est le petit à lunettes et bouclettes, le fils du docteur. » Dans le miroir de la loge se reflète mon incarnation. Le fard et le costume maquillent les traits du fantôme qui cessera de me hanter dans quelques instants. Et alors, pour une heure ou deux, mon corps et mon esprit se rejoindront dans cette identité tierce sans laquelle je ne suis qu’une ébauche de moi-même. On toque à la porte. « Plus que cinq minutes ! » Je sens la nervosité s’installer dans mon ventre. Cette peur, je la respecte ; elle est comme la présence familière d’une boule de poils qui m’accompagne de salle en salle. Une dernière expiration et je me lève. Dans le couloir, je salue d’un sourire ma femme, mon frère rival et mon fils. Les secondes s’égrènent. L’excitation monte des deux côtés de la scène, celle d’hier et du jour d’avant qui m'obsèdent et précède mon dévoilement. Ce soir, le rideau s’ouvre, je joue pour la centième fois le père du prince Danois.

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